Il y a d’abord une esthétique qui fonctionne, et puis la montagne.
Mais très vite, le film s’enlise dans les clichés. Dès le début, Pierre (Jean Dujardin) croise une jeune femme qui fait du fromage. Il lui en achète, bien sûr ; mais surtout, la scène ne sert qu’à exhiber le charme supposé irrésistible du héros. Celui de l’auteur du livre dont le film s’inspire ? De Dujardin lui-même ? Ou encore le charme du citadin sur la paysanne ? Du catho expiatoire sur le bobo repenti venu traire des chèvres ? Du Parisien sur la province ? On ne sait pas trop. Ce qu’on sait, c’est que la scène met mal à l’aise, tant elle sonne faux.
Le film enchaîne ensuite sur les réflexions prétentieuses du narrateur, qui va jusqu’à se comparer à Napoléon. Puis viennent les flash-back sur l’accident — celui qui aurait poussé Pierre à entreprendre cette marche rédemptrice. Mais sa quête sent la fuite en avant d’un Occidental privilégié, et on peine à y croire. Même ses rencontres n’ont aucun relief : c’est toujours lui qui donne la leçon.
Un autre film aborde pourtant la même thématique avec infiniment plus de justesse : Wild de Jean-Marc Vallée, avec Reese Witherspoon. Là, on y croit. Le récit est cru, physique. Le corps de Cheryl souffre, ses pieds saignent, son sac est trop lourd. Sa reconstruction est palpable : elle passe par la douleur, la fatigue, la lutte contre la nature et contre elle-même. La rédemption s’y joue dans la chair, pas dans une voix-off pompeuse. Là où Les Chemins noirs s’enferme dans une rédemption géographique et une posture littéraire, Wild explore la résilience dans ce qu’elle a de plus brut ; entre addiction, deuil et renaissance.
Et puisqu’Izïa Higelin passe cinq minutes à l’écran, fallait-il absolument la faire chanter ? Contrat oblige ? Quant aux “provinciaux” croisés par Pierre, ils semblent réduits à un folklore aimable et sans profondeur. Mais miracle : ils lisent la presse, puisqu’ils reconnaissent l’écrivain en balade.
Bref, un film (le roman est-il du même tonneau ?) qui ne vaut que pour ses paysages. Pour le reste, c’est un road-movie nombriliste, creux, et souvent condescendant dans sa vision de la ruralité.