**Hollywood est toujours au plus bas de son inspiration, et la vague des remakes des chefs-d’œuvre de l’horreur des années 70-80 ne semble pas prête de s’arrêter. Le remake de Suspiria de Dario Argento, avec aux manettes un cinéaste médiocre visiblement pas attaché au cinéma d’horreur, ne nous inspirait sur le papier rien qui vaille, ou tout juste une simple petite curiosité masochiste. Notre avis, très en retard. Spoiler : on n’a pas aimé.**


Avant toute chose, je me permets de citer quelques textes édifiants. Frédéric Mercier, dans Transfuge : « Guadagnino étoffe et défigure, selon la démarche des peintres maniéristes, la toile originelle. Et réussit son « Suspiria ». » ; Alexandre Janowiak dans Ecran Large : « « Suspiria » est un mythe brillant, une expérience viscérale folle et un sublime complément de l’œuvre culte de Dario Argento. » ; Laurent Duroche dans Mad Movies : « N’y allons pas par quatre chemins : ce nouveau « Suspiria » n’est pas loin de rejoindre « The Thing » de John Carpenter, « La Mouche » de David Cronenberg ou « L’Invasion des profanateurs » de Philip Kaufman sur la liste des remakes les plus passionnants jamais réalisés. » . Quelque part, je pourrais dire que ces citations se suffisent à elles-mêmes. Je vais tout de même aller plus loin car je vous assure que ce paragraphe n’est pas qu’un simple numéro de délation pour amuser la galerie. Il y a dans ces extraits une part de gravité. Lire dans deux des grands mensuels spécialisés dans le genre (car L’écran fantastique défend tout aussi ardemment le bousin) des textes glorifiant le projet de Luca Guadagnino a quelque chose de comique et/ou de révoltant. Un peu comme si Les Cahiers du cinéma encensaient dans un texte lyrique de vingt pages la scène de Dobberman (Jan Kounen, 1997) où Romain Duris se torche le cul avec l’un de leur numéro. Texte qui soulignerait la puissance maniériste et subversive de ce geste. Car ce Suspiria, non content d’être déjà l’un des plus mauvais films de l’Histoire du cinéma – une croûte insensée à faire trembler d’horreur pour des décennies de cinéphilie, au niveau du Jour et la Nuit (Bernard-Henri Lévy, 1997) et The Last Face (Sean Penn, 2016) – se plaît également à être un film d’horreur qui déteste le cinéma d’horreur, un film de genre qui vomit le genre, un remake qui prétend donner des leçons de Grand Cinéma à son original.


Finalement, rien d’étonnant là-dedans, le réalisateur de cette infâme purge exprimant à grand renfort d’interview son intention d’étoffer le film original, de lui apporter « ce qui lui manque ». Ce Guadagnino, à la manière d’un gamin vaniteux et non d’un puissant formaliste, explique en effet qu’il a voulu répondre au « manichéisme » de l’original, en y apportant une complexité nouvelle, un contexte politique. Le cinéaste place donc son intrigue dans Berlin en 1972, plaçant ici et là des références aberrantes et vaines à la bande à Baader pour s’achever sur un final cathartique évoquant grossièrement et de la manière la plus dégueulasse qui soit les camps de la mort. Que le cinéaste cherche à se détacher du chef-d’œuvre originel est tout à son honneur, et on peut aisément admettre qu’il ne s’est pas réfugié dans une resucée plate. Mais la « nouvelle étoffe » qu’il lui apporte n’est que le pâle cache-misère d’une pauvreté formelle totale et à une débilité théorique absolue.


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PjeraZana
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le 11 déc. 2018

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PjeraZana

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