Il était une fois une méchante sorcière...

Après quatre giallos, dont le dernier en date Les Frissons de l’angoisse est totalement abouti, Dario Argento fait un pas de côté dans sa filmographie. Il conserve les meurtres graphiques, mais les traumatismes de l’enfance deviennent le cœur de ses récits. De ses premiers giallos rigoureux, le cinéaste italien ne conserve plus que l’élément déclencheur de ce qu’il racontait. La comptine musicale entendue dans son précédent film est toujours là, l’enfant aussi mais plutôt que d’être une obsession qui revient en boucle dans le film pour expliquer le pourquoi du comment, le trauma devient le sujet principal du récit et la logique n’est plus conviée. Véritable conte horrifique, Suspiria est le récit d’un cauchemar qui fait fi de toute logique. Une logique qui vole en éclats principalement dans les scènes de meurtre où les personnages sont totalement prisonniers de leur situation, passant d’une pièce à une autre sans aucune logique ou se retrouvant dans un lieu absolument improbable et terrifiant.


En Alice qui passe son temps à ouvrir des portes immenses sur des ailleurs angoissants, Jessica Harper et son visage de petite fille fait merveille. Perdue dans un quotidien peuplé de personnages plus ou moins grotesques, tous impeccablement inquiétants, elle mène une quête folle jusqu’à l’ultime porte qui lui livrera une horrible vérité qu’elle seule pouvait percer avant de réussir à vaincre le mal. Pour conter son histoire, Dario Argento congédie ses éclairages naturels très blancs et joue à fond la carte de l’onirisme avec ses couleurs éclatantes qui habillent chaque plan. Des décors fabuleux, des lumières extraordinaires, des idées visuelles géniales à foison, Suspiria est formellement un chef d’œuvre. C’est un film destiné aux sens et non à l’intelligence. Entre ses images d’un esthétisme renversant totalement hypnotisantes, et sa musique animale et terrifiante signée des géniaux Goblin qui crée une atmosphère unique, le réalisateur convie à une noce des sens dont il est impossible de sortir indemne.


C’est à partir de ce film que Dario Argento va définitivement fixer toutes ses obsessions visuelles sur la pellicule. Les personnages sous une pluie torrentielle, les mises à mort où la victime traverse une vitre, les rideaux de théâtre en velours, les jeunes filles innocentes prises dans un engrenage cauchemardesque, les personnages handicapés (notamment les aveugles), les animaux tueurs, les plans aériens, les gros plans, les yeux, etc. On retrouve tout cela dans Suspiria : les obsessions d’hier mais aussi celles de demain qui opèrent désormais comme des leitmotivs, comme s’ils étaient plus importants que l’intrigue elle-même qui, de film en film, tendra à être de plus en plus mince. C’est donc à un véritable festin sensoriel que nous convie Dario Argento. Un festin onirique absolument maîtrisé qui l’a consacré en maître de l’épouvante. Un pur régal.


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le 13 sept. 2023

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