Bon bah ça m'a coupé l'appétit. 2h après séance j'avais toujours une gêne dans l'estomac et pourtant j'aime tout ce que ce film entreprend et la façon dont il le fait. Au-delà du pari initial de voir une femme (Hunter) être pris d'un trouble alimentaire qui la fait avaler tout et n'importe quoi et de tourner ça en thriller psychologique, on a une fable empreinte d'une photographie pastel/bonbon, écho direct à une iconographie patriarcale des 50s avec une femme au foyer "parfaite", serviable, et dévouée au seul plaisir de son mari. Toute l'atmosphère dégage cet air naïf d'une Amérique qui préfère voir sa femme à la maison tandis que le mari rempli le frigo. La douce Haley Benett est ainsi radieuse et parfaite dans son rôle tant elle incarne avec ses traits doux, sa coupe et ses tenues, cet idéal qui la ronge et en même temps l'obsède puisqu'elle ne parvient pas à s'émanciper de ces carcans, désireuse de satisfaire son rôle de "femme idéale" jusqu'au bout. Son trouble en contraste avec cette image est ainsi révélateur de son manque d'emprise sur son monde et surtout en dit bcp sur l'impact de sa condition féminine.

Jamais j'aurais pensé avoir autant d'empathie envers une femme qui avale des punaises et des cailloux mais on en est là.


Elle est le catalyseur du message du film, cachant derrière ses allures de poupée humaine un mal-être profond, aspect totalement retranscrit par la mise en scène de ses "repas". Son corps va devenir le reflet d'une soumission plus grande de part son objectification et le rejet dont il est sujet, à la fois objet de désir et de dégoût aux yeux de son mari et sa belle-famille qui ne cherchent qu'a l'aider pour ce qu'elle peut leur offrir (un bébé en bonne santé). Son manque d'emprise sur sa vie, son propre corps, donne un autre sens à son trouble et il devient alors douloureux en ce qu'il devient son seul moyen de se réapproprier celui-ci.

Sincèrement, ça fait un bien fou de voir un script aussi ingénieux au service de son message et accompagné d'un style aussi unique.

La violence brute et interne que s'inflige Hunter via le Pica est impactante de part son analogie avec les thématiques du traumatisme, du viol, mais surtout de la violence intime propre à sa condition. En plus de nous affecter bien plus en tant que spectateur de par ce cadre qui touche à des peurs et des angoisses très viscérales, on a mal pour elle et le malaise se retrouve décuplé sur le plan émotionnel plus que physique (c'est un peu l'inverse de Grave dans son traitement).

En bref, je tiens un de mes films de l'année et un des films les plus intéressants que j'ai pu voir sur un sujet aussi actuel (même si askip il a été présenté en festival en 2019)

EclairULYSSE
8
Écrit par

Créée

le 28 janv. 2020

Critique lue 225 fois

1 j'aime

EclairULYSSE

Écrit par

Critique lue 225 fois

1

D'autres avis sur Swallow

Swallow
Electron
7

Pica… chu(t)

Hunter (la délicieuse Haley Bennett) est la charmante épouse de Richie (Austin Stowell). En ouverture du film (voir la bande-annonce), son père (David Rasche) annonce au cours d’un dîner que Richie...

le 25 janv. 2020

28 j'aime

2

Swallow
GadreauJean-Luc
9

Swallow... délicieusement bouleversant

Une petite pépite étrange et bouleversante sort ce mercredi 15 janvier après un très bel accueil dans plusieurs festivals, dont le Festival de Deauville qui lui a offert un prix spécial du Jury...

le 14 janv. 2020

19 j'aime

2

Swallow
mymp
7

Gorge profonde

Cela s’appelle le pica, pathologie caractérisée par une altération du comportement alimentaire avec ingestion de substances ou d’objets non comestibles. Avec, évidemment, des conséquences directes...

Par

le 17 janv. 2020

18 j'aime

4

Du même critique

The Dead Don't Die
EclairULYSSE
9

Hommage et funérailles d'un genre

Au vu de sa réception j'étais sceptique et verdict ? Bah... c'est... C'est une pépite. J'ai du mal à comprendre l'accueil mitigé qu'il reçoit car... C'est un hommage et un constat sur le film de...

le 16 mai 2019

2 j'aime

2

Us
EclairULYSSE
9

Plus j'y pense, plus je l'aime

C'est le genre de film qui m'a laissé dubitatif en sortant de la séance tout en ayant une irrésistible envie de le revoir aussitôt fini. Pourquoi ? Sûrement car au delà de son enrobage à tomber...

le 6 avr. 2019

2 j'aime

Swallow
EclairULYSSE
8

Ça se mange sans faim.

Bon bah ça m'a coupé l'appétit. 2h après séance j'avais toujours une gêne dans l'estomac et pourtant j'aime tout ce que ce film entreprend et la façon dont il le fait. Au-delà du pari initial de voir...

le 28 janv. 2020

1 j'aime