Variation intéressante d'un concept déjà vu

Je dois avouer qu'en entendant parler brièvement de ce Swan Song, j'ai bien failli passer mon tour. La thématique de l'entité de remplacement (qu'elle soit clonée, cybernétique, informatique...) pour pallier la disparition d'un être cher a déjà été exploitée à de nombreuses reprises en film ou en série et réserve souvent peu de surprises. Après un soulagement initial, l'endeuillé finit par se rendre compte que le nouveau venu ne peut apporter qu'un réconfort provisoire et le dénouement oscille généralement entre une nécessaire mais pacifique acceptation de la mort et une entité qui déraille violemment au point de vouloir décapiter le propriétaire qui la rejette. Mais entre ces deux extrémités du spectre, peu de variations.

C'est justement dans son approche de cette thématique et par son changement de point de vue que Swan Song apporte du neuf et parvient à se démarquer des lieux communs inhérents au genre. On ne suit pas ici le survivant qui tente désespérément de combler le manque, mais au contraire le « futur disparu », malade incurable se voyant offrir (évidemment sous réserve de conserver le secret pour épargner sa famille) de se faire remplacer de façon parfaitement transparente par un clone en pleine santé partageant non seulement son physique mais aussi sa personnalité et son vécu.

Cette variation permet de développer toute une série de nouveaux questionnements et de possibilités scénaristiques : vaut-il mieux préserver le bonheur de ses proches en usant de mensonge et en les laissant plongés dans l'ignorance ou affronter l'inévitable ensemble mais les abandonner seuls ensuite face au vide ? Selon l'option choisie, comment faire cohabiter sa décrépitude physique et mentale solitaire à l'issue inéluctable et la vision de la vie quotidienne de sa famille, heureuse avec quelqu'un qui est soi sans l'être ? Ou comment supporter, au contraire, l'inévitable future souffrance engendrée par l'égoïsme d'une honnêteté brutale, alors qu'on aurait pu l'éviter ? Sans trop en dire, le film retrace relativement bien les errements du personnage et parvient à maintenir un certain suspense sur sa décision et sur le dénouement.

Le film a un impact émotionnel consistant, non seulement grâce aux très bonnes performances de Mahershala Ali (que je ne connaissais précédemment que grâce à son excellent rôle dans Green Book) et de Naomie Harris, qui ont une alchimie crédible, mais aussi par le montage permettant de s'attacher progressivement au couple en alternant présent et flashbacks retraçant la naissance, l'évolution et les difficultés de la relation.

Swan Song est donc une variante intéressante d'une thématique courante qui a su me toucher malgré le nombre de productions du genre que j'ai déjà pu visionner. Il faudra néanmoins pour l'apprécier être capable de passer outre quelques couleuvres scientifiques (j'imagine notamment assez mal une société où l'on ne serait pas capable de guérir le cancer mais parfaitement en mesure de créer en quelques mois non seulement un clone physique parfait mais aussi d'y « uploader » la personnalité complète d'un autre individu).