Tais-toi ! par pierrick_D_

Ruby est un gangster appartenant au grand banditisme qui vient de se faire cravater et qui atterrit en prison.Il a au préalable dérobé le produit d'un hold-up perpétré par la bande de son ex patron Vogel,un caïd de la pègre.Tout le monde,flics et voyous réunis,voudrait savoir où il a planqué le magot mais l'individu reste mutique.Espérant le faire craquer nerveusement afin qu'il se décide à parler,le commissaire Vernet décide de lui adjoindre en tant que codétenu Quentin,le boulet de la prison.Il s'agit d'un braqueur minable d'une stupidité abominable dont le bavardage insane et incessant rend fous tous ses camarades de cellule.Sorti entre "Le placard" et "La doublure",ce film est sans doute le plus sous-estimé de son auteur Francis Veber,qui en est à la fois réalisateur,scénariste et dialoguiste.C'est produit par la firme UGC,plus connue pour ses activités de distribution et d'exploitation de salles,d'ailleurs une des scènes du début du film se passe dans un cinéma UGC.Il est vrai que c'est un Veber atypique qui a pu dérouter le public pour plusieurs raisons.D'abord c'est une pure comédie totalement dépourvue de fond socio-politique,ce qui est rare chez le cinéaste,même s'il n'a jamais été spécialiste de la prise de chou.Il introduit d'habitude quelques éléments de réflexion à propos de divers aspects de la société française alors que "Tais-toi" se contente d'aligner des gags et des situations uniquement destinés à faire rire en s'appuyant sur une histoire policière classique et sans relief.Autre particularité de nature à désarçonner le spectateur,le coup du double Campana.A l'instar de presque tous les Veber,celui-ci fonctionne sur l'opposition entre deux héros en totale opposition physique et psychologique.D'ordinaire il y a Campana,le gros costaud efficace et pragmatique,qui doit se coltiner Pignon,l'emmerdeur déphasé perturbateur qui le met en difficulté.En général Gérard Depardieu faisait Campana et Pierre Richard jouait Pignon.Sauf que là Campana s'appelle Ruby et a les traits de Jean Reno,ce qui est logique.Ce qui l'est moins est que Depardieu se retrouve dans la peau du Pignon de service,le funeste Quentin de Montargis.Mais c'est un Pignon très spécial qui se révèle tout aussi emmerdant que ses prédécesseurs tout en employant une violence débridée à la Campana.Ca aurait pu ne pas marcher mais c'est là qu'intervient le génie de Gégé,l'acteur effectuant une prestation incroyable en abruti chronique vecteur de catastrophes en série,sous l'oeil effaré d'un Reno forcément en retrait qui se révèle parfait en gros dur tentant désespérément de se débarrasser de cet histrion plus collant qu'un pot de glu.Tous deux nous servent donc le traditionnel numéro de l'auguste et du clown blanc sur une partition comique imparable d'un Veber inspiré.Les répliques vachardes et les situations insensées se succèdent comme à la parade et l'ensemble est d'une extrême drôlerie,avec en sus une hilarante dimension sado-maso qui voit le montargois provoquer toute une théorie d'accidents impactant gravement l'intégrité physique de celui qu'il croit aider.Les rapports entre les deux personnages sont aussi bien écrits qu'interprétés et suscitent de désopilants malentendus,comme quand Ruby se persuade que son "ami" est en réalité un flic infiltré pour le piéger car d'après lui il est impossible d'être aussi débile et Quentin ne peut que simuler.Il n'est pas si loin de la vérité vu que c'est bien la police qui lui a foutu le désastreux du Gâtinais dans les pattes,et le jeu tout en premier degré naïf du castelroussin est absolument irrésistible.Le film faiblit cependant notablement à partir de l'évasion et les séquences ont une fâcheuse tendance à se répéter.Les fuyards se font à chaque fois rattraper soit par les flics soit par les gangsters.Ils sont coincés mais Quentin les sort à chaque fois du pétrin,généralement en démolissant tout le monde,et ça repart pour un tour et on recommence un peu plus loin.D'autre part l'humour destroy et corrosif laisse peu à peu place à du sentimentalisme à deux balles via l'amitié naissante bien niaise entre Quentin et Ruby.On a même droit à un épisode larmoyant et politiquement correct à base de pauvre clando albanaise SDF au physique de top model qui se trouve curieusement être le parfait sosie de la défunte copine du truand.C'est de plus la seule faute de goût d'un casting de grande qualité essentiellement composé d'acteurs travaillant souvent avec Veber car la belle Leonor Varela n'a visiblement pas inventé l'art dramatique.Sinon c'est du tout bon,même si beaucoup des comédiens présents ne font qu'une brève apparition.Il y a Richard Berry en policier manipulateur,André Dussolier en psychiatre dépassé,Jean-Pierre Malo en chef de gang glacial,Jean-Michel Noirey en directeur de prison excédé,Laurent Gamelon en infirmier corrompu,Aurélien Recoing en porte-flingue smart,Vincent Moscato en homme de main bas de plafond,Ticky Holgado en grutier alcoolique,Michel Aumont en ex psy désormais interné,Edgar Givry en commerçant dévalisé,la géante Rebecca Potok en femme de jockey,Stéphane Boucher en maton viril,Ludovic Berthillot en taulard antipathique,et puis Guillaume de Tonquédec en interne,Jean Dell en radiologue,Thierry Nenez en pilier de bistrot alors qu'Armelle Deutsch se fait voler son portable dans la rue pendant que Julien Cafaro voit le toit de sa voiture défoncé.Sans oublier Philippe Brigaud,l'inoubliable amateur de boomerang dans "Le dîner de cons",qui se signale cette fois en patient d'HP qui ne sait que hurler "merde!" à tout bout de champ.