Cela faisait longtemps que je voulais explorer un peu la filmographie de Guy Maddin, un réalisateur canadien à l'univers visiblement assez particulier. Même si je redoutais un peu l'aspect expérimental, intello et art et essai de son univers, j'étais surtout très attiré par ces propositions cinématographiques radicales aux allures de vieux films des années 20 qui baignent dans des univers entre poésie, fantastique, surréalisme, grotesque, drame et horreur. Autant donc commencer par le début avec Tales from the Gimli Hospital son tout premier long-métrage après que Guy Maddin est décidé de quitter les univers bien moins excitant de la banque et de la peinture en bâtiment.

Tales from the Gimli Hospital nous raconte histoire d'une femme qui elle même raconte une histoire à de enfants qui veillent sur leur mère souffrante dans un d'hôpital. Cette femme va alors leur raconter le passé de cet hôpital avec un récit qui pourtant n'est pas spécialement destiné aux plus jeunes.

Clairement Tales from the Gimli Hospital et une expérience cinématographique qui compte bien plus par l'univers visuelle et sensorielle qu'il nous donne à voir et appréhender que par le récit qu'il nous propose de suivre. Le film quasiment muet en noir et blanc avec une image délibérément vieillie et abimée nous invite à suivre une sorte de conte fantastique et absurde autour d'un hôpital de fortune établi dans une grange et dans laquelle des infirmières étranges soignent des malades d'une épidémie qui l'est tout autant. Clairement Guy Maddin possède une certaine fascination pour le cinéma du début du siècle dernier, pour les décors bricolés, les effets spéciaux rudimentaires, les acteurs aux expressions forcées et pour une narration peut être bien plus visuelle et sensorielle que classique et linéaire.

Un peu bousculé au départ il faudra se laisser porter par cette proposition de cinéma qui revendique son appartenance un autre temps, une autre logique et un autre rythme. Le film parfois un peu déconcertant finira tout de même par s'articuler autour d'une histoire d'amitié et de rivalité entre deux malades et de la femme qui aura partagée un instant de leurs vies respectives. Tales from the Gimli Hospital est un film bizarre dans lequel des médecins opèrent leurs malades sans anesthésie pendant que les infirmières leur offre un spectacle de marionnettes pour les distraire de la douleur, un film dans lequel des empoignades virils se transforment en lutte burlesque dans lesquels on se soulève et on s'agrippe par les fesses jusqu'à s'arracher le pantalon, un film dans lequel on soigne d'étranges plaies en frottant des oiseaux morts dessus, le film étant constamment traversé de moments mélodramatiques, étranges, oniriques et poétiques. Abordant jusqu'au bout une certaine logique interne, le film nous propose par exemple un acteur blanc jouant un chanteur noir avec un blackface comme il était souvent coutume de le voir au début du siècle. Très influencé également par l'expressionnisme allemand Guy Maddin nous offre même une scène assez extraordinaire (très inspiré de Nosferatu) dans laquelle une gamine apeurée et recroquevillée sur elle même se retrouve menacée par une immense et inquiétante ombre projetée sur un mur. Quelque part entre Murnau, David Lynch, Bunuel et le cinéma burlesque, Guy Maddin a au moins le mérite de proposer un univers à nulle autre pareil. Il nous donne à voir des images tantôt grotesques, tantôt furieusement poétiques, tantôt inquiétantes mais toujours d'un charme délicieusement désuet, un assemblage à priori hétéroclite mais qui finit par donner corps un univers assez fascinant et plutôt cohérent.

Tales from the Gimli Hospital est donc un joli petite surprise qui me donne en tout cas envie de continuer à explorer la filmographie de Guy Maddin en espérant que le cinéaste saura à la fois poursuivre dans son univers et ne pas sombrer pour autant dans la redites des mêmes éternels ressorts narratifs et visuels.

freddyK
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le 12 juin 2022

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Freddy K

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