Quel film bluffant nous offre Albert Serra ici.
Vouant une haine profonde à l’atroce tradition qu’est la corrida, je m’avançais vers la salle de cinéma un peu à reculons, et pour cause, le film est excessivement pesant, la tension est palpable du début à la fin et les images sont difficiles à regarder.
L’animosité voir le fascisme (j’y reviendrais plus tard) du toréador face à l’innocence de l’animal qui s’apprête à être sacrifié.
Serra nous filme ce duel en amenant sa caméra en plein cœur de l’arène pour nous offrir un spectacle époustouflant mais excessivement dur à voir.
On suit tout le long un grand leader (en la personne d’Andres Roca Rey) faisant écho aux pires pourritures de l’histoire de notre civilisation.
Narcissique de première, Andrés est idolâtré par tous les adeptes de corrida mais surtout par ses collègues qui ne cesseront durant le long de ce documentaire de lui cirer les pompes.
Il est représenté par Serra comme figure puissante (le plan en contre plongée dans l’ascenseur faisant ressortir son côté fier lorsqu’il récite presque la performance qu’il s’apprête à livrer) mais pour autant pas moins ridicule, son air hautain est presque à mourir de rire quand on voit à quel point il est pathétique.
Son "art" est semblable au fascisme (des puissants qui s’amusent en faisant souffrir et en tuant des innocents qu’ils méprisent (bon nombre de "fils de pute" et de "lâches" sont envoyés gratuitement aux taureaux) pour être reconnus), l’attitude d’un toréador (notamment dans ses expressions de visages et postures durant la performance) sont tout simplement grotesques, on aurait juste envie de se foutre de sa gueule mais malheureusement, ses actions sont trop graves pour en rire.
Autre remarque intéressante : Serra occulte presque le public tout au long du métrage, on l’entend applaudir et siffler mais à aucun moment le réalisateur ne prendra le temps de les filmer.
J’y vois ici une réponse à leurs ridicules. Les spectateurs voient la vie d’un être vivant comme un simple jeu alors à aucun moment ils ne mériteront d’être filmés, ce sont presque eux les plus détestables (devant même les toréadors) puisqu’ils sont à eux même la représentation de ce système fasciste, sans eux, les toréadors n’existeraient plus.
Documentaire brillant à l’image et à la gestion du son absolument fantastique, bien qu’horrible à regarder au départ (la première mise à mort du film fut la plus difficile, les larmes montaient en moi devant la détresse filmée sur le visage de l’animal).
Mon premier film d’Albert Serra et j’y vois déjà une maîtrise du 7eme art fascinante !