Cette comédie tonitruante a crée le buzz bien avant sa sortie grâce à son personnage éponyme, un ourson en peluche doué de vie et de l’usage de la parole, employée pour une logorrhée sans fin. Seth MacFarlane exploite de façon optimale le potentiel de ce héros, assimilé au monde commun puisqu’il est connu de tous et a fait, dans la jeunesse de son ami de chair et d’os, la tournée des show télévisés. Aujourd’hui, il demeure une peluche vulgaire, à l’humour impitoyable et la vie totalement dissolue, aux côtés du garçon devenu trentenaire pas fringant un instant. Cet adulescent partageant ses journées entre un boulot insignifiant, des soirées avec son vieil ami entre DVDthèque éclectique (nanars nostalgiques de préférence) et narcotisations diverses, ainsi que sa petite amie qui mériterait tellement mieux.

Comme promis c’est un spectacle sarcastique, sauvage et viril. Un "film de potes" effronté et puéril, sans véritable ligne directrice, enfilant les gags ponctués de petites digressions pour fluidifier ; il arrive que l’opportunisme de certaines vannes confine à l’étrange (l’hélicoptère plus puissant que les vœux d’un petit garçon..). C’est que la méthode Mac Farlane est claire : il cumule les gags, les idées, puis empile le tout autour d’un scénario ne se posant aucune limite narrative, tout en tournant toujours aux alentours d’un même sujet ou des mêmes lieux. Le problème, c’est que cette ouverture à l’intégralité du catalogue de petites furies possibles rend le spectacle parfois indigent mais aussi que, par-delà la cohérence limitée, il n’y a pas de sens ni de fond. Ce phénomène était particulièrement prégnant dans Les Griffin. La série, héritière inavouée des Simpson, a fait le succès de Mac Farlane et reste une des plus célèbres du genre. Elle n’est pourtant riche que de ses personnages caricaturaux, de caractères bien trempés et de gags éparses. Mais en se soustrayant à l’impératif de raconter une histoire solide pour y substituer un torrent de petites vannes, Les Griffin créent une désagréable sensation, un malaise face à cette vacuité rigolarde.

Pour son premier long-métrage, Seth Mac Farlane a reconvoqué les deux scénaristes de la série, au motif qu’ils sont les meilleurs auteurs de blagues. Pourquoi pas ; toutefois la seconde série de MacFarlane, American Dad, qui a si longtemps brillé (jusqu’à la sixième saison), se passait allègrement d’eux. Ted ne tombe pas dans les travers des Griffin et ressemble même assez curieusement à American Dad ; peut-être que cette dernière a l’ascendant et donc que MacFarlane a implicitement reconnu son échec originel. Le film se permet tous les excès potaches et les réparties ou comiques de situations les plus lubriques. Version sexuée de l’alien Roger d’American Dad, Ted est la réussite du film, son véritable marqueur formel et sa nuance de ton au milieu de l’océan des comédies mainstream. Mais c’est finalement la seule marque distinctive de l’ensemble ; car tout y est insidieusement réglé selon le cahier des charges habituels. Les références culturelles populaires sont là, le buddy-movie régressif aussi, la dimension geek puéril et pépère aussi. Le personnage campé par Mark Wahlberg, l’ami du nounous, n’est autre que le glandeur notoire, la loque résignée peuplant le cinéma contemporain, se voulant et se trouvant à l’image de la jeunesse de masse. L’imaginaire débridé de Seth MacFarlane a toujours les mêmes limites : facilité, complaisance et en dernière instance, banalité du trait. A voir en groupe ou à plusieurs, quand le cerveau y est le plus disponible.

http://zogarok.wordpress.com/2014/08/07/ted/

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le 8 août 2014

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Zogarok

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