Ténèbres par Nicolas Montagne

Après deux incursions dans le fantastique (Suspiria et Inferno), Argento revient à ses premières amours avec Ténèbres, nouveau giallo pour l'auteur italien le plus barré. Ce qui choque au premier abord, c'est un rythme moins soutenu que dans Profondo Rosso ou dans la trilogie animale : en dehors de quelques scènes, le film souffre d'un manque d'action évident, parfaitement justifié cela dit. Les crimes sont l'oeuvre du maître de la situation, un esprit torturé inconscient de ses méfaits. L'action est donc en adéquation avec les actions du meurtrier : incohérentes et inconscientes.

Ce qui surprend avec Ténèbres, c'est le titre ! Le film est en effet très lumineux, se déroulant souvent en plein jour, et les ténèbres dont il est question sont essentiellement métaphoriques. Calquées sur celles du livre du même nom, ces ténèbres ne sont là que pour nous dévoiler une identité psychotique spectaculaire dont le dévoilement final reprend parfaitement (et peut-être mieux que jamais) l'un des codes essentiels du giallo : prendre conscience que l'on a raté une chose déterminante, la clé de l'énigme que nous avions sous les yeux dès le début.

Ce classicisme est peut-être le plus gros reproche que l'on puisse faire à Ténèbres : à vouloir trop respecter les codes du genre (hormis des transgressions assez anecdotiques), Argento réalise un autre giallo qui ne se démarque finalement pas vraiment des autres de son cru. A noter néanmoins un esthétisme toujours aussi poussé, avec notamment la spectaculaire scène d'attaque du couple lesbien, dont le préambule (comme l'a écrit Jean-Baptiste Thoret), constitue un roulement de tambour pendant lequel le spectateur prend son souffle.