Thriller psychologique franco-canadien empruntant les sentiers du torture porn pour délivrer une copie originale et peu absconse. Un petit groupe de trentenaires est capturé puis séquestré dans une forêt proche de la frontière états-unienne. Les deux douaniers s'avèrent d'anciens soldats envoyés par les USA en Irak, mais également d'anciens de Guantanamo. Ils vont torturer leurs victimes et leur faire subir des interrogatoires musclés, en prétextant des soupçons de connivence avec les ennemis de l'Amérique.


Refléter les peurs du terrorisme dans le monde post-11/09, c'est un peu lourdaud comme postulat. Territoires n'est pas vissé à cette idée ; tant mieux car c'en est une de faux malin. Cette perspective est plutôt le support d'un déversement de troubles sévères ; les deux bourreaux sont davantage dans leur monde que concernés par le reste, devenu assez abstrait. La seconde moitié du film se détache des canons de l'horreur (survival spécifiquement) et fait entrer un autre personnage à l'excès d'indépendance plutôt mortifère, quoique plutôt vertueux en soi.


Olivier Abbou souhaitait peut-être que son film soit une critique cinglante des débordements sécuritaires du gouvernement américain, en tout cas Territoires n'exprime rien de structuré là-dessus. Il se reporte à bon escient sur une plongée dans les ténèbres, où les désaxés se consument et mettent les habitants d'un monde perçu comme corrompu face à leur complaisance et leur inanité morale. Le carnage est surtout celui des repères, de la confiance et des fonctions 'vitales' pour s'épanouir paisiblement dans un monde duquel les bourreaux et le type célébrant Ganesh n'attendent rien.


Dans cette configuration l'autarcie est impossible, sauf si on fait le choix de la fuite perpétuelle ou de l'entrée en guerre. Il s'agissait peut-être avec Territoires de donner corps à une aspiration secrète au détachement profond, ou même à une tendance subie, parcourant les occidentaux esseulés par une société absurde et incertaine. Dans ce cas c'est réussi, mais peut-être que l'échelle socio-politique n'entre pas tellement en compte, sinon comme gadget ; en tout cas la démonstration vaut sans elle.


C'est l'angle mort parcourant globalement cette oeuvre ; les velléités de Territoires sont cryptées, peut-être inachevées. Néanmoins la séance est plutôt percutante avec ses élans froids dignes d'un Dupieux (Rubber, Réalité) nerveux. Les atrocités plus traditionnelles sont abordées avec réalisme et crudité, rendant ces moments dérangeants et intenses. C'était plutôt troublant, parfois magnétique, mais trop opaque et laconique pour marquer franchement l'esprit.


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Zogarok
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le 29 juin 2015

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