Comme beaucoup, le nom Tetris m’hypnotise et choisir de reprendre un jeu aussi populaire pour en faire un thriller d’entreprenariat est une idée brillante. Il a tout ce qu’il faut pour résonner plus loin, pour inviter les néophytes à découvrir cet univers, à aller un peu plus loin.
Dès les premières minutes, j’ai été accroché, moi qui pensais arriver pour une soirée tranquille sans y prêter trop d’attention, j’ai été surpris par le ton pris. C’est rythmé, très pédagogique, et surtout intriguant. On est vite embarqué dans un récit qui mêle enjeux économiques, droits d’exploitation et guerre froide un cocktail rarement mis en scène dans ce contexte ludique.
Le contexte historique donne de l’ampleur... On est dans l’effervescence d’une époque incroyable, entre bloc de l’Est, marché occidental, technologies qui explosent. On ressent bien cette tension. Le film s’ancre dans "l'histoire" de la création du jeu par Alexey Pajitnov, la négociation des droits par Henk Rogers, le passage des blocs soviétique à occidental.
Cette dimension correspond parfaitement à ce que j’aime, un film qui donne accès à un univers souvent méconnu. Pour proposer une porte d'entrée sympathique, qui pourrait donner envi de pousser la chose un peu plus loin et du coup découvrir la vraie histoire de Tetris.
Mais, et c’est le bémol, si l’on apprécie la relecture ludique, il faut accepter que les personnages soient parfois des clichés... Scientifiques en blouse, magnats impitoyables, Russes sous surveillance… Le visuel et la dramaturgie accentuent le spectaculaire, au risque de simplifier. Les épisodes de filature, les vilains caricaturaux semblent parfois tirés d’un thriller léger plutôt que d’une reconstitution historique subtile.
De plus, quand on creuse l’histoire vraie, elle est déjà suffisamment riche pour ne pas avoir besoin d’être amplifiée à ce point. On sait par exemple que certaines scènes, comme une course-poursuite ou certains antagonismes, sont pure invention.
On comprend facilement, l'énervement qu'à pu suscité le film, car trop romancé et parfois un peu trop clichés, voir remplis de détails fait par des non puristes qui pourrait évoquer beaucoup de désamour.
Sans parler de quelques dialogues enfantins et quelques blagues de mauvais goûts...
Donc, si je ne regrette pas les inventions fictionnelles (au contraire, c’est sympathique, ça fonctionne), j’aurais aimé que l’on aille un peu plus loin du côté humain et créatif, que l’on voie davantage l’après, la reconstruction, la dimension “créateur du jeu”.
On reste souvent sur l’aspect “deal monstre / négociation de droits”...
Et c’est ici que le film montre ses limites! Dans la profondeur des personnages, dans la nuance historique, dans une vraie réflexion sur le système de production et les enjeux d’un tel jeu dans une industrie naissante.
Si votre œil est expert, on peut regretter ce manque.
En tant que critique amateur de jeux vidéo et intéressé par leur économie, je me dit que ce film réussit largement à remplir le rôle de “porte d’entrée” vers cet univers. Accessible, engageant, bien construit.
En revanche, si j’attendais un film profondément humain, introspectif, qui creuse les trajectoires personnelles après le deal, ou la vie du créateur du jeu, je reste un peu sur ma faim.
Et il faudra faire confiance à l'envi des gens d'aller plus loin, pour éclaircir les zones ombres et les inventions...
À recommander… avec nuance
Ok pour ceux qui ne connaissent pas (ou peu) l’histoire de Tetris et veulent une entrée divertissante. Ainsi que ceux qui sont intéressés par l’économie du jeu vidéo, l’industrie, les droits internationaux. En revanche...
Je le recommanderais moins à ceux qui cherchent une biographie ultra-rigoureuse ou un documentaire très fouillé sur les coulisses du jeu vidéo. Il faut se laisser porter par le flow pour apprécier un minimum...