La personnalité et le cinéma d'Eli Roth ne m'ont jamais intéressé.


Je le connaissais comme un proche de Tarantino et Rodriguez, féru lui-aussi du cinéma transgressif des années 70, avec un goût prononcé pour le gore et le sadisme. La torture explicite étant l'une de mes principales limites, j'ai toujours refusé de voir Hostel, son film le plus connu, duquel j'ai pourtant entendu beaucoup de bonnes choses. Idem pour Green Inferno ; difficile en effet d'apprécier un hommage à Cannibal Holocaust lorsque l'on a jamais souhaité le regarder…

Néanmoins, allez comprendre pourquoi, mon talon d'Achille en matière de cinéma, c'est les slasher-movies. J'en ai vu des paquets, l'époque à laquelle ils ont émergés m'intéresse énormément, et j'ai toujours trouvé ce genre moins inintéressant qu'il n'y paraît, cachant parfois des réflexions plutôt adroites sur la jeunesse et ses groupes sociaux. Je n'attendais rien du tout de ce Thanksgiving, même si je dois tout de même reconnaître qu'à l'approche de ce mois de décembre si mièvre et sirupeux, j'avais sans doute besoin d'une bonne dose de cruauté cathartique. Et oh boy que je n'ai pas été déçu à ce niveau-là.


Dès l'ouverture du film, Eli Roth crache tout son venin sur un microcosme américain méprisable, où les gens sont littéralement prêts à s'entre-tuer pour faire croître leur mobilier le jour du Black Friday. Le réalisateur tire à balle réelles sur la gen-z, les médias, les réseaux sociaux, les stigmates du trumpisme, et bien sûr l'american-way-of-life, sans aucune mesure ni quelconques sommations. Les premiers effets gores fusent, avec l'impression d'un gros doigt d'honneur bien vulgaire et grinçant porté à tout ce beau monde que Roth déteste copieusement. On y retrouve déjà cet esprit hérité du cinéma d'exploitation ; prêt à tout les excès afin de choquer le spectateur.

Si une fois ce prologue achevé, le film tombe dans un ersatz de Scream peu inspiré, Eli Roth parvient cependant à conserver ses deux principaux atouts : une surenchère de gore permanente, donnant à plusieurs meurtres des allures de cartoon débridés, et un cynisme permanent envers ses protagonistes.

Si on enlève Jessica, l'évidente final-girl du film, Roth semble n'avoir aucune empathie pour les badauds qu'il filme, et s'amuse avec eux comme un chat le ferait avec une souris. Il pointe explicitement leur hypocrisie, leur petitesse, s'amuse même à leur offrir une ou deux chances de s'en tirer pour mieux permettre à son tueur de mieux les massacrer ensuite.

A ce titre, le sort réservé à la belle-mère de Jessica est si cruel et gratuit qu'il poussera forcément le spectateur à rire, ou bien à avoir des haut-le-cœur. Peut-être les deux, comme ce fut mon cas.

Bien sûr, la révélation finale n'a aucun intérêt, de même que l'identité du tueur. On ne regarde pas Thanksgiving pour suivre une partie sanglante de Cluedo, mais bel et bien pour assister à une grande boucherie cathartique et jubilatoire.

Eli Roth se revendique bien moins de Scream, dont il reprend évidemment certains éléments, que de toute la vague des vidéos-nasties apparue à la fin des années 70. La seule matière grise que vous verrez ici, c'est celle que le tueur étale copieusement sur une table à grands coups de marteau, façon pochette de Cannibal Corpse.


Autant vous dire qu'après toute une vague de néo-slasher se croyant malins, méta-textuels et plus intelligents qu'il ne l'étaient vraiment, Thanksgiving fait un bien fou.

Lui revendique ouvertement sa stupidité et sa cruauté excessive, en faisant ainsi un brûlot aussi incendiaire que réjouissant. On verra ce que donnera son adaptation du jeu-vidéo Borderlands, mais à mesure que je comprends sa personnalité et son style, Eli Roth me semble effectivement idéal pour adapter ce monument de surenchère Z et décomplexé.

LounisBrl
6
Écrit par

Créée

le 1 déc. 2023

Critique lue 37 fois

1 j'aime

LounisBrl

Écrit par

Critique lue 37 fois

1

D'autres avis sur Thanksgiving - La semaine de l'horreur

Thanksgiving - La semaine de l'horreur
freddyK
7

Dindes Dingues Dong !

Thanksgiving – La Semaine de l'horreur est un bon petit slasher et vraiment une bonne surprise. Ceci étant dit on pourrait presque s’arrêter là mais je vais tout de même étoffer un peu ma critique...

le 2 janv. 2024

7 j'aime

7

Thanksgiving - La semaine de l'horreur
RedArrow
7

Le sens de la fête

On ne l'avait pas vu venir ! Alors qu'on le pensait être devenu plus un commentateur qu'un faiseur de l'horreur à travers de nombreux documentaires sur le genre (et il faut bien dire que ses derniers...

le 19 févr. 2024

5 j'aime

Du même critique

Arthur, malédiction
LounisBrl
3

Détour Mortel édition Normandie

Je met rarement des notes aussi basses, sauf quand j'ai effectivement la sensation qu'une oeuvre a été, passez moi l'expression, "torchée à la va-vite". Soyons très clair, mon niveau d'exigence quand...

le 30 juin 2022

6 j'aime

Gueules noires
LounisBrl
5

Couvert de suie

Gueules Noires m'avait conquis avant même que je ne le vois. Sa première bande-annonce, vantant un film d'horreur français, s'inspirant de The Descent ou d'Alien tout en exploitant le folklore et...

le 17 nov. 2023

2 j'aime

Smile
LounisBrl
7

Smile you son of a .... !

La bande-annonce de Smile avait ceci d'intéressant que durant sa majeure partie, on pouvait s'attendre à un film d'horreur hollywoodien bien troussé, plutôt réussi et angoissant, mais malheureusement...

le 30 mars 2023

2 j'aime

1