120 Batman par minute

Les spoilers sont masqués.

Avec The Dark Knight, littéralement le meilleur film Batman à ce jour et à jamais, DC Comics avait découvert la recette quasi parfaite du Batman quasi parfait. Depuis, ces derniers tentent de reproduire l'exploit sans Nolan pour caresser les fans dans le sens du poil. Mais quels fans satisfaire? Ceux de Nolan? Ceux de Batman? Comment trouver le bon équilibre?

Après The Dark Knight, DC s'est battu pour faire exister son chevalier noir encore plus fort, mais en vain; en refermant la trilogie de Nolan, ils perdraient leur meilleur Batman. Pour imager cette perte, on peut se calquer sur la théorie des différentes étapes du deuil, dont les trois dernières; nous avons eu The Dark Night Rises, le marchandage, puis avec le Batman campé par Ben Affleck, qui a le mérite d'être proche de la versions comics, DC est passé par la dépression et la douleur avec des films qui n'ont vraiment pas rendu justice au personnage, et puis nous arrivons au Batman incarné par Robert Pattinson sous la réalisation de Matt Reeves, et donc l'étape de la reconstruction.
Après avoir un peu piétiné l'aura du Batman, DC s'est dit qu'il était temps de rendre ses lettres de noblesse au plus grand détective du monde.

Pendant quasiment trois heures, Robert Pattinson se pare des traits du chevalier noir à l'assaut du crime et de la corruption à travers les rues de Gotham. Nous ne verrons pas pour la énième fois le meurtre des Wayne, et ce n'est pas plus mal. Reeves a fait un très beau travail pour mâcher et digérer ce qui fait l'essence du Batman; il retranscrit à l'écran ce qu'il en a compris et c'est ce qui fait, pour beaucoup, l'une des plus grandes qualité du film. Une réussite sur le fond et sur la forme? Pas sûr.
Sur la forme d'abord c'est un quasi sans fautes. Les plans sont sublimes, il y a un nombre indécent d'idées de mise en scène pertinentes et bien trouvées, la bande originale se pare de compositions magistrales en parfaite adéquation avec le sujet, Robert Pattinson est crédible sous le masque, le costume est très réussi, le casting réussi aussi, la photographie relève du chef d’œuvre... Quel pied.
Il était temps que quelqu'un apporte une touche less is more dans l'approche de ce personnage, et Matt Reeves sait exactement ce qu'il fait.

Sur le fond maintenant:
Reeves a certes bien cerné les personnages et leur complexité, mais il ne les a malheureusement pas utilisés très pertinemment à mon gout. Les interactions entre personnages sont maladroites et fort peu inspirées, en découle la faiblesse des dialogues et des échanges.
Aussi sombre que cette itération du Batman puisse être, on ne s'attend pas à des dialogues à ce point au ras des pâquerettes. L'écriture tombe plusieurs fois dans l'éceuil des clichés et frôle même le cringe au point de rouler les yeux au ciel.
L'écriture des personnages est parfois faiblarde, et leurs arcs sous développés ou mal employés. Nous avons par exemple un Alfred tout à fait conventionnel, toujours sur le fil entre paternel et professionnel comme ses précédentes itérations, nous avons une Catwoman qui elle non plus ne cassera pas les codes (même si je l'aime beaucoup), un James Gordon qui s'oubliera très vite, un Pingouin campé par un Collin Farrell méconnaissable dans un surjeu qui est le bienvenu pour donner un peu de substance, et le Riddler aussi dans le surjeu mais qui pour le coup est moins le bienvenu...

Reeves essaie de réinventer la roue avec ce film et il s'en sort plutôt bien. Il a bien saisi l'image, l'esthétique et l'aura du chevalier noir de Gotham, mais j'ai l'impression qu'il est passé à coté du reste. Il pioche dans le Dark Knight et le Dark Knight Rises de Nolan mais également pas mal dans le Joker de Todd Philipps pour ériger une itération nouvelle assez convaincante.
Il a très bien réussi à mettre en image la peur que représente Batman pour les habitants et délinquants des rues de Gotham. Les premières minutes lors de la soirée d'Halloween sont maitrisées à la perfection. Cette ombre qui plane sur la ville et la peur qu'inspire l'apparition du signal dans le ciel était un des gros manques de TOUTES les itérations cinématographiques du héro.

En vrac, j'ai aimé

• Robert Pattinson convaincant en Batman


• Une bonne réappropriation du personnage par Matt Reeves


• La bande originale


• Zoe Kravitz est un plaisir à suivre en Catwoman


• Un scénario prenant


• Une intrigue assez sombre


• Le retour d'un Batman qui est aussi censé être un détective

J'ai moins aimé

• Robert Pattison pas toujours crédible non plus


• Un Riddler trop inspiré du Joker


• Un climax prenant mais convenu


• Une sous-intrigue qui casse le rythme


• Des dialogues vraiment trop à la ramasse


• Ses talents de détective parfois risibles