Je ne vais pas détailler en long et en large ma passion pour Batman, ce qui serait d'autant plus inutile que le film n'en démontre aucune. Les fans ont cela d'ennuyeux qu'ils chipotent sur nombre de détails et crient au scandale lorsqu'une adaptation n'est pas conforme à leur vision, mais cela n'est pas mon cas : au contraire, j'aime qu'un auteur se réapproprie un univers pour me bousculer au travers de SA vision.

Or, il n'y en a ici aucune. Le film ne dit rien que d'autres n'aient déjà (beaucoup mieux) dit.

L'amour des freaks et des ambiances gothiques étaient évidents chez Burton, l'obsession de Nolan à déconstruire ses personnages pour interroger leur statut politique transparaissait dans la Dark Knight Trilogy, la tendance de Snyder à déifier les super-héros pour souligner leur portée mythologique imprégnait Batman V Superman et la version longue de Justice League, le caractère frondeur de Todd Phillips animait Joker, et même Schumacher laissait sa marque (certes foutraque) sur Forever et Batman & Robin. Je n'adhère pas forcément à toutes ces propositions, mais je leur reconnais d'exister.

Mais ici ?

Il a été dit que le film est sous l'influence de David Fincher en général et de Se7en en particulier, ce qui est vrai, à une précision (d'importance) près : Matt Reeves n'est pas Fincher, et n'a ni son élégance ni son intelligence. Singer un style ne revient pas à avoir un style, et le film est à ce pont dénué de vision qu'il préfère ne pas s'attarder sur tout ce qui fait la saveur de la mythologie batmanienne tant il ne sait qu'en faire : le Pingouin n'est jamais qu'un porte-flingue lambda dont la monstruosité est limitée à sa portion congrue, le Riddler est un simple émule de Jigsaw (qui devait déjà beaucoup à Se7en), et Batman un justicier si peu fouillé (jamais n'ai-je vu son trauma fondateur aussi survolé) qu'il pourrait tout aussi bien se balader à visage découvert que ça n'y changerait rien.

L'on pourrait y voir, comme proclamé ci et là, un pur film noir ou du moins une influence certaine du genre qui rendrait ainsi hommage aux racines de Batman... À ceci près que même les premiers comics n'oubliaient jamais la dimension fantasmagorique des personnages (l'on parle quand même d'un gars qui se trimballe en costume de chauve-souris avec des gadgets pas possibles !). Pas de cela ici, mais juste des personnages désincarnés qui traversent un film désincarné, bassement fonctionnel à défaut de mieux. Jamais honteux, mais pire encore : fade, consommable, oubliable.

Simon-Perdrix
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le 21 avr. 2023

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