The Book of Fish
7.1
The Book of Fish

Film de Lee Joon-Ik (2021)

Les deux hommes ont en apparence des philosophies différentes. Jang Chang Dae, le jeune pêcheur ne peut pas concevoir qu’on puisse croire en un monde sans roi. L’érudit, lui, rêve d’une société où tous les êtres humains seraient égaux. Par leurs échanges, ils reflètent la situation changeante de cette époque. Ils se disputent. Jang Chang Dae adhère aveuglément aux valeurs ancestrales du confucianisme et rejette les pensées occidentales. L’érudit essaie de lui faire comprendre que ce n’est pas parce qu’on embrasse la foi catholique qu’on rejette la philosophie de Confucius.
Par ses idées révolutionnaires et progressistes, par sa mort atroce, le prince Sado semble avoir mis un pétard dans une fourmilière. La culture a été affranchie provoquant toute sorte de réactions. Son fils, le roi Jeongjo, est à l’origine du plus grand tournant culturel de l’époque et finalement de la Corée. Et puis, le roi meurt et c’est la débandade totale entre les idées provenant de l’Occident, les partisans du néoconfucianisme et les conservateurs.
Les interactions entre les deux hommes semblent anodines, même sur un ton drôle et insouciant. Elles sont en réalité le reflet du modernisme florissant du début du XIXe siècle de la Corée.
Film en noir et blanc.
Ce n’est pas la première fois que Lee Joon-ik se sert du noir et blanc pour l’un de ses films. La comparaison entre « Dongju: The Portrait of a Poet » et « The book of fish » s’avère très intéressante. Le noir et blanc du premier film donne une impression de cendres, de quelque chose d’opaque, de poussiéreux. Ça ajoute de la pesanteur. Comme une pollution qui s’accroche à la peau et qui nous fait sentir sales. Les détails s’accentuent. Les cernes, le sel dans le coin des lèvres, la maigreur. Le noir et blanc du « Portrait of a Poet » nous enferme dans cette prison japonaise, nous accule. Il accentue le sujet dramatique, il permet presque un transfert.
C’est avec une certaine appréhension qu’on aborde un film qui traite d’un poète emprisonné sous l’occupation japonaise, en noir et blanc qui plus est. Mais de la même façon qu’une chanson est capable de nous situer dans une ambiance particulière, le choix monochrome du réalisateur nous ouvre aussi la porte directement vers une atmosphère très orientée.
Paradoxalement le noir et blanc de « The book of fish » ajoute une amplitude à l’espace. Le travail du réalisateur et du cinématographe, déborde de l’écran du moment précis où ile, la mer, font leur apparition. Pas besoin de couleur. Les prises, les contrastes, la luminosité, cette évolution dans cette surface confinée qui peut être une île, où tous les habitants semblent avoir une relation fraternelle, tous ces détails ouvrent une dimension, comme une joie de vivre.
Il est aussi évident que le choix du noir et blanc pour ce film, nous ramène directement aux premiers ébauches du cinéma japonais, avant l’année 1930. À ce moment-là, il était question des héros sages, gentils aux airs naïfs qui représentaient l’évolution vers le modernisme. Cette histoire basée sur des faits réels prend tout son appui sur ce choix du directeur.
Et puis bien sûr, impossible de négliger ce détail à la fin, qui nous ramènera inévitablement vers cette petite fille au manteau rouge de « La liste de Schindler ». Par cette scène, Spielberg avait voulu nous montrer l’être humain juif comme une individualité plus que comme un groupe. Dans « The book of fish », ce petit oiseau bleu qui sort d’un oursin pourrait nous faire penser à un pays qui cherche à s’envoler. À se libérer, en somme. Un sentiment très fort s’approprie de nous : le réalisateur a réussi à nous faire ressentir l’espoir de l’érudit.

Cooleur_Asia
8
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le 5 déc. 2021

Critique lue 118 fois

Cooleur Asia

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