Le début des années 90 marque l'envol de la carrière de Philip Ko en tant que réalisateur. L'artiste martial de talent a décidé de se vouer complètement à l'exploitation en supervisant entièrement la fabrication de ses propres films (il est aussi bien producteur que scénariste, chorégraphe...). Une telle implication à tous les stades de la production est fort louable mais aboutit, le plus souvent, à de pathétiques navets. Pourtant, au début de cette nouvelle carrière, Ko parvenait à faire illusion. Malgré des budgets réduits, l'homme bénéficiait du savoir faire des équipes de l'époque, si bien que quelques unes de ses premières séries B s'avéraient des divertissements corrects Final Run, Angel Mission...). Mais le spectre de la médiocrité ne tarde pas à planer sur les réalisations de Ko et ce Cyprus Tigers le démontre que trop bien.

Tourné essentiellement à Chypre, le film a un petit parfum de vacances plutôt sympa. Il est juste regrettable que toute l'équipe du film ait eue ce sentiment.
Et en premier lieu, le scénariste. Un peu comme le sera Angel's Project, 3 ans plus tard, Cyprus Tigers raconte une histoire qui semble avoir été construite au jour le jour. C'est pourquoi on a droit à des intrigues secondaires ne menant à rien (le passage à HK avec une Joey Wong seulement venue apposer son nom en haut de l'affiche), des clichés en pagailles (le trafiquant de drogue de service, les acolytes gweilos) et de longues digressions comiques à base de blagues racistes Winston Ellis s'en prend plein la tête) ou de séquences de dragues déjà vues milles fois (idéal pour remplir un métrage quand on a pas de véritable intrigue à développer).

Le seul but de ce vague assemblage bringuebalant, c'est d'émuler le succès de Tiger On The Beat et de profiter des atouts que Chypre a à proposer.
Pour le premier, le film s'en sort à peu près. Evidemment, le remplacement de Chow Yun Fat par Simon Yam n'est pas à l'avantage de la copie mais la star de Naked Killer a suffisamment style et de talent pour que la pilule passe à peu près. Quant à son partenaire, il est fidèle à lui-même, énergétique et souvent agaçant. Les deux acteurs n'ont pas beaucoup d'alchimie entre eux mais il y a tout de même un minimum syndical qui assure le divertissement recherché. Evidemment, ceux qui n'appréciaient déjà pas le duo de héros de Tiger On The Beat ne devraient même pas se faire mal à poser les yeux sur sa copie du pauvre.
En ce qui concerne le second objectif de Cyprus Tigers, l'aspect exotique du tournage en Europe est généreusement mis en avant mais toujours superficiellement. Cette localisation différente n'altère en rien les tics des productions Hong Kongaises : Les acteurs gweilos sont tous mauvais ou surjouent, tout le monde parle cantonais couramment et on a pas la moindre justification concernant la présence de ces 3 policiers Chinois à Chypre (un peu comme il faut accepter que le KGB utilise 99% d'asiatiques dans Magic Crystal). A coté de ça, Ko n'est pas avare en jolis paysages et, connaissant bien son public, nous propose même une visite de cinq minutes sur les plages locales, surtout consacré à la pratique par la gente féminine du monokini ! Merci Philip de mettre si bien en avant les atouts culturels du pays.

Réalisateur de films d'action avant tout, Ko cherche bien sûr à placer de telles séquences à intervalles réguliers. Mais tout comme le scénario sent le je m'en foutisme à plein nez, les affrontements souffrent d'un aspect brouillon qui deviendra récurrent chez son auteur. Cette tendance tient à différents facteurs cumulatifs : Faible temps de tournage consacré à ces séquences, chorégraphes pas assez exigeants, recours à des doublures et à l'undercrancking systématique et montage maladroit. Cyprus Tigers n'est pas le film de Ko où ces défauts sont à leur paroxysme mais ils tendent à gâcher des combats potentiellement réussis (le Robin Shou/Conan Lee final par exemple). Dommage que Ko pense plus à profiter des charmes Chypriotes et empocher rapidement de l'argent plutôt que de soigner son long métrage.

La situation exceptionnelle dont jouissait le cinéma Hong Kongais permettra à cette série B tout juste regardable de ramasser un impressionnant 7 millions de $HK. On ne s'étonnera cependant pas qu'au fur et à mesure que Ko continuera dans cette lignée, son « talent » accompagnera le box office dans une très longue descente jusqu'aux abysses de la médiocrité.
Palplathune
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le 28 févr. 2011

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