"You either die a hero or you live long enough to see yourself become the villain."

Il est parfois de ces étonnantes mais réjouissantes surprises que le cinéma nous réserve, cet art imprévisible et magnifique qu'on adore par-dessus tout lorsqu'il nous offre cette opportunité de découvrir une merveille qui n'en avait pas l'air. The Dark Knight en fait parti. Car The Dark Knight est sans doute le meilleur blockbuster jamais réalisé, seulement égalé par sa suite. A ce stade, et par le travail remarquable que les frères Nolan ont accomplit sur ce film, ce n'est plus de divertissement que l'on parle. Nous sommes aux antipodes du film de super-héros, dans le film noir dérangeant.


Reprenant le chevalier noir là où nous l'avions laissé dans Batman Begins, métaphore intelligente et pessimiste du monde d'aujourd'hui, The Dark Knight met cette fois-ci la ville de Gotham à rude épreuve, après nous avoir montré tous ses péchés. Et à travers les deux symboles paradoxaux de cette même ville poisseuse, du Joker représentant la pègre en tout ce qu'il y a de plus cruel et immoral, à Batman en héros d'une population victime de la corruption, Nolan dessine avec brio l'apocalypse psychologique d'une société déchirée et hantée par les ombres douloureuses du 11 septembre. Il filme avec justesse et pessimisme la paranoïa à ses sommets, les peurs naissantes, la violence montante et insensée, le chaos par excellence, la torture psychologique... Son oeuvre ancré dans le réalisme, on y croît vraiment, et c'est là tout l'art de Nolan.


On retient plus que tout cela les personnages, qui évoluent, culpabilisent, assument, mentent et font mal. Mal à eux-mêmes, mal aux autres, mal à une société qui ne tient déjà pas en place. Les dialogues entre eux sont par ailleurs excellents, illustrant un monde qui va mal, et au-delà de tout patriotisme, une population rongée par la peur qui laisse couler le mal, la violence et le mensonge car changer les choses semble trop difficile. Et les héros du film sont à l'image de cette société ; corrompus, imparfaits, impulsifs. Et pour la première fois au grand écran, le super-héros semble presque mauvais, violant les lois, basculant dans la violence pour la facilité... Cette scène d'interrogatoire remarquable d'intensité entre Batman et le Joker en est le parfait exemple. Ce dernier, dérangé (et dérangeant) et anarchiste à souhait fait comprendre au chevalier noir une vérité dure à accepter : Batman et le Joker se complètent, se ressemblent dans leurs actions, sont rejetés par la foule, se rêvent en héros ; ils sont tous les deux perçus comme des bêtes de foire, chassés au nom de l'éthique et de la moralité par le peuple qui n'a que la bonté que le monde daigne leur donner. Et puis, il y a aussi le procureur Harvey Dent, véritable tribun qui séduit par ses propos populistes, qui confie sa vie et le sort de Gotham au hasard dans un jeu de "pile ou face", tel un combat psychologique entre le politicien ambitieux et son alter-ego assoiffé de haine. Son évolution est brillamment travaillée, apporte quelques séquences mémorables, et atteint son apogée où vers la fin, il fini prisonnier de son propre jeu et victime de sa propre phrase : "Ou on meurt en héros, ou on vit assez longtemps pour endosser le rôle du méchant".


Si Nolan n'a pas vraiment le sens de la mise en scène spectaculaire, il lui reste un certain talent artistique dans ses scènes simples et émouvantes, ses voix-off intelligentes, ses plans larges ou très serrés aux couleurs sombres d'un bleuté à la fois magnifique et terrifiant. L'image est belle, la musique est splendide, les acteurs incroyables, du Heath Ledger sublimé et troublant à la sincérité touchante de Michael Caine, en passant par les excellents Christian Bale et Aaron Eckhart.


Et puis, le réalisateur sait ingénieusement et sur un rythme impeccable allier coups de maître scénaristiques, dialogues somptueux, scènes d'actions originales ou scènes sensationnelles. De cette scène d'ouverture ingénieusement et violemment délirante à la chute dantesque d'un camion, le spectateur est servie, visuellement et psychologiquement. Il y en a pour tous les goûts, toutes les envies, et tout le monde y trouvera son compte. Parce que Christopher Nolan a réussi le pari d'un blockbuster intelligent et captivant, au scénario virtuose et au casting grandiose, aboutit de bout en bout et à chaque recoin. Perfect.


And so... Why so serious ?

Créée

le 17 août 2012

Modifiée

le 30 août 2012

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Swenser

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