C'est un énorme poids lourd qui ne met pas KO. Ce qu'il manquait à Batman Begins c'était de véritables figures et Christopher Nolan les trouve en traversant la mythologie Batman : un Joker ambigu et terriblement attachant, un Harvey Dent droit et exceptionnel, et enfin un début de Batman/Bruce Wayne qui se dessine, un véritable personnage. Peu présent au final, assez effacé certes ; c'est fou à quel point ce type a toujours su s'étirer dans les ombres de Gotham City pour en être une à son tour et rien d'autre. Jamais le mythe et l'homme ne se seront autant rapprochés. Enfin un bon film sur Batman (selon la vision que je m'en fais).

Mais aussi plein de boursouflures, de saturation, de musique grisante et répétitive. Même le Joker est sur-utilisé, trop de rires et de mimiques. Nolan défonce, ne se permet pas de relâcher la pression un seul moment et la mascarade pointe.

C'est bien parce que : de petits jeux de pouvoir entraînent des scènes de bons cru (l'intro, Harvey Dent joue à pile ou face la vie de Batman/Gordon/lui-même vers la fin du film, le Joker vêtu comme une nurse se détachant de l'arrière plan d'un hôpital en flammes...) souvent simplistes, c'est le problème de Batman traité dans les massmedias, parfois too much (la scène des deux ferries). On ne croit pas une seule seconde au revirement de Dent, mais ok. Ce sont des coups cruels sur le terrain, la mafia la police et les innocents qui bavent, de petites effigies qui se poignardent dans le dos et dansent comme dans une pièce antique. C'est très appréciable ; c'est un vrai Gotham City.


Tout ce qui touche au Joker est formidable, c'est vrai. On me parlait, en tant que comparaison, de The killing joke d'Alan Moore et c'est vrai, c'est la même idée, presque aussi bien utilisée (trop court chez Nolan et pourtant 48 pages suffisent à Moore). Je n'ai pas encore lu les Dark Knight de Miller pour pouvoir déterminer la moindre influence. En fait le Joker est le complément de Batman, une synthèse qui incarne la véritable « double-face » ; il joue et ne fait pas mourir celui qui est sa marionnette ou son bourreau d'après sa convenance. Il se permet tout (Ledger est vraiment bon) et entretient sans cesse cette ambiguïté ; tout comme l'histoire des deux fous à l'asile de killing joke : Batman est un freak, au même titre que lui, il est utilisé et sera rejeté. Ils sont aussi partiaux l'un que l'autre (malgré que le Joker précise qu'il est un messager du chaos, qu'il sert une force anarchique ultra-physique et impartiale) et obéissent aux règles ; les leurs. Protéger et servir, sans jamais repenser son rôle ; détruire et rire, comme ultime échappée. Où je termine et où tu commences. Le problème ? Aucun reflet dans les yeux de Batman. Le Joker (ils se battront pendant des années jusqu'à éventuellement s'entretuer, c'est bien le plus important) sème. Peut être que le prochain opus sera consacré aux véritables questions : qui suis-je ? Comment vivre seul, pourquoi ne pas inventer un personnage imaginaire et fantastique pour se tenir compagnie ? Comment Batman pourra un jour retrouver sa santé mentale et devenir un véritable héros ? (donc Bruce Wayne. Vivre et aimer vivre avec autrui).

Reproche principal (en continuation) : l'image de Batman n'est jamais malmenée. Héros auto proclamé puis paria par sacrifice, par noblesse ou par chevalerie ; jamais les méthodes et les objectifs de l'homme (le vrai, celui qui existe sur la fine ligne qui délimite Batman de Bruce Wayne) ne sont remises en question. Batman est pourtant une entité qui vit par introspection, dans la crainte et le doute. Essayant continuellement de mieux faire.

Car en vérité ce qui différencie bien le Super-Homme et Batman c'est qu'il pose ses limites. Devenir plus que ce qu'on est, toujours tenter d'être meilleur pour combler le creux démentiel de son existence (pas de famille, pas de parents, pas de sexualité, pas d'attachement, pas d'engagement). Après le Joker quel vilain plus intéressant pour un dernier épisode que... Batman lui-même ? Regarder l'abîme pour éventuellement se construire ou accepter le désespoir et se tirer une balle dans la tête (et non pas jouer au héros ou vivre assez longtemps pour devenir le méchant ça c'est nul).
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le 5 août 2010

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