N'est pas réussi celui qui éternellement ennuie

"The Deep House" représente clairement une espèce de high concept horrifique ultime. Imaginez un peu, un long-métrage qui combine à la fois les frissons de la visite d'un lieu hanté à ceux des dangers de l'exploration sous-marine, le tout servi en mode (semi) found footage par les caméras et drones d'un couple rêvant de rivaliser avec une émission du type "Ghost Adventures". Même si le found footage -ou ce qui s'y apparente comme ici- possède bon nombre de réfractaires (l'auteur de ces lignes n'en fait pas partie), l'alliance atypique de ce procédé immersif à cette plongée en eaux surnaturelles ne peut qu'attirer l'oeil, d'autant plus qu'elle est signée par Alexandre Bustillo et Julien Maury pour qui tout bon fan de cinéma de genre français ne peut qu'avoir de la sympathie malgré une filmographie pas toujours à la hauteur des espérances que l'on place en eux.


Passé un prologue très oubliable, la partie exposition de "The Deep House" nous met d'ailleurs dans les meilleurs conditions possibles pour attiser notre envie de visiter la fameuse maison immergée. Certes, aucune mise en bouche révolutionnaire à l'horizon (du petit village en mode peu accueillant à l'inévitable habitant qui connaît le coin parfait pour la soif d'aventure de nos héros, on connaît ça par cœur... sauf que l'on est cette fois dans le sud de la France) mais tout est plutôt bien fait pour nous faire encore plus saliver avant la découverte des lieux. Et puis, quand arrive l'heure de nous confronter à l'inhospitalière demeure sous les eaux, on peut dire que "The Deep House" rend magnifiquement hommage à son titre avec les premières apparitions de la maison, aussi lugubre par son architecture que par son cadre immergé donnant réellement un caractère inédit à l'ambiance hantée qui s'en dégage. Il en ira de même avec les débuts de l'exploration intra-muros où, à l'instar du couple vedette, la réalisation en found footage prendra pleinement son essor pour nous faire guetter chaque possible élément louche que peut receler l'aménagement particulièrement creepy des pièces abandonnées de la bâtisse. L'attente qui va se construire autour du moindre phénomène sortant de l'ordinaire va être savamment construite et même devenir grande... beaucoup trop grande pour la déception de ce qui va suivre...


À notre grand dam, Alexandre Bustillo et Julien Maury vont en effet peu à peu se laisser aller aux pires tares du found footage qu'il soit. Non seulement "The Deep House" va rapidement s'enliser dans la structure narrative la plus figée de ce genre de réalisation (rien, longtemps rien, montée en puissance avant un final se voulant explosif pendant un petit quart d'heure) mais les outils pour la servir et l'appuyer vont se révéler aussi particulièrement faiblards. Dépeinte en trois-quatre coups de pinceaux scénaristiques, la mythologie autour de la menace n'offrira qu'une bouillie de clichés paranormaux dont on n'aura que faire, les héros par la bêtise de certains de leurs agissements perdront complètement l'attache que l'on pouvait avoir avec eux, la lente progression des événements (vraiment, le film donne l'impression de durer bien plus que 1h20) débouchera sur quelques apparitions tout de même réussies grâce en grande partie à l'imagerie sous-marine mais, lorsque celles-ci interagiront avec les héros, le résultat se résumera à des séquences rendues la plupart du temps illisibles par une caméra que l'on se contente simplement de secouer avec un nouvel éclairage et un standard musical rétro usé jusqu'à la corde au cinéma (ah oui mais il est en VF ici !).
Bref, les récompenses à notre implication volontaire dans la première partie seront tellement rarissimes que l'on en viendra à perdre tout intérêt pour ce qui se déroule à l'intérieur de cette "Deep House", triste logeuse d'un found footage horriblement lambda ne sachant jamais répondre à la hype de son concept. Même le final un poil plus démonstratif ne pourra engendrer au mieux qu'un vague mouvement de sourcil devant la résolution archétypale qu'il réserve (pas le choix vu le peu de choses solides qui a été mis en place auparavant), comme pour expulser le spectateur d'une propriété à la façade séduisante mais dont l'intérieur aura douché tous les espoirs que l'on plaçait en elle. Dommage, on n'avait pourtant pas envie de résilier notre bail aussi vite avec cette "Deep House"...

RedArrow
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le 30 juin 2021

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