Du sensationnalisme pour néophytes

Pour ceux qui connaissent bien la situation politique au Moyen-Orient, l'affaire Khashoggi est un événement malheureux et bien connu. Faisant partie de ceux-là, j'attendais non sans impatience le nouveau documentaire de Bryan Fogel. Il faut dire que j'en attendais beaucoup au vu de ce qu'avait révélé Icarus (son précédent documentaire). Malheureusement j'ai été très déçu.

Sur le fond, ce reportage est assez faible. Hormis quelques explications intéressantes sur les "mouches", The Dissident est bien trop laconique sur la nouvelle dynamique que représente l'arrivée de MBS aux affaires. Pour faire durer le reportage 2h, les mêmes thèmes sont rabâchés (bref historique de sa vie, sa vie avec sa nouvelle femme, nouvelle stratégie de MBS du contrôle de l'opinion). En somme, je dirais qu'il ne s'écarte pas vraiment des poncifs journalistiques habituels sur la question saoudienne.

La forme est très soignée mais quand le fond ne suit pas, le documentaire devient relativement mauvais. Le ton est très grandiloquent (orchestration excessive, sensationnalisme constant), la structure est très désorganisée (pour ne pas dire que c'est le bordel), les plans sur la pauvre veuve éplorée sont trop longs et n'apportent pas grand chose à la trame narrative.

Dans le Moyen-Orient, le meurtre de Khashoggi est une affaire importante parce qu'elle conforte l'idée selon laquelle l'Arabie Saoudite est fondamentale anti-démocratique. Ce reportage aurait été meilleur s'il y avait été davantage intellectualisé, avec une véritable analyse politique du régime, et de la place des journalistes en son sein. La question du Qatar est évoquée de manière très accessoire (alors que c'est une question centrale), le soutien de l'Arabie Saoudite aux dictatures du Moyen-Orient et du Maghreb n'est pas non plus évoqué (Egypte par exemple).

Là où Icarus est passé d'un simple reportage sur les contrôles anti-dopage défaillants à un documentaire très large sur le système de dopage russe, sur l'implication des pouvoirs publics russes, avec un personnage central (Rodchenko) très charismatique, The Dissident ne suit pas le même chemin et demeure relativement impersonnel. L'enquête demeure sur Khashoggi et manque de profondeur parce qu'il n'a pas replacé cette affaire dans un système plus global qu'est le modèle dictatorial saoudien.

Souvent, en dépit d'une désorganisation constante, la force de Bryan Fogel c'est l'immixtion constante du personnel, du charismatique avec le global, le système. Force est de constater qu'il n'y parvient pas dans The Dissident.

Si vous n'avez jamais entendu parlé de l'affaire Khashoggi et que vous êtes un néophyte de la question, ce documentaire peut vous permettre de comprendre un peu mieux le rôle de l'Arabie saoudite et en ce sens, ce documentaire sera relativement utile.

Si vous ne l'êtes pas, vous serez très déçu par le ton grandiloquent, la fragilité intellectuelle (très réelle) de ce documentaire.

Globalement, je déconseille