On m'a beaucoup vendu ce film qui a fait un tour remarqué dans divers festivals, et comme nous connaissons la réputation très pieuse des pays d’Amérique centrale, j'étais assez curieux de voir le résultat. En ajoutant à cela des comparaisons avec le style de Scott Derrickson, on était parti pour un nouvel exorciste de notre époque. Dans les faits, oui et non.


Nous jugerons 2 choses dans ce film, indépendemment de nos convictions religieuses : la forme et le fond. La forme en temps que film de divertissement, film héritier d'une très longue exploitation des films de possédés qui remonte aux années 70 et a explosé ces deux dernières décennies (car étant un genre vendeur et peu onéreux). Le fond, en temps qu'oeuvre cohérente, réflexion sur le péché et les dilemmes moraux abordés par la trame et les réflexions sur l'Eglise qu'il évoque, dans le contexte de notre époque.


La forme est assez quelconque. Le film est bien exécuté techniquement, l'ambiance est sombre, les effets numériques assez voyants (et occasionnellement risibles), les jumps scares prévisibles. Et donc le film ne fait pas peur. En tant que représentant du genre de film d'exorcisme et de possession, il s'attaque frontalement au sujet et n'innove en rien, se contentant de recycler nombre de poncifs visuels de tension déjà vu ailleurs, et en mieux (à cette échelle, Scott Derrickson gagne haut la main). Le film est probablement conscient de ses carences en termes de concepts divertissants, alors il a tenté de jouer l'intensité. Les visions qu'il met en scène seront régulièrement des blasphèmes, qui tentent d'être suffisamment hystériques ou malaisant pour compenser le manque d'inventivité de la mise en scène. Mais là aussi, c'est modérément efficace vu... qu'on a déjà vu ça en mieux chez Fede Alvarez avec son remake d'Evil Dead. Bref, même si on est de bonne volonté, il faut bien admettre que si on connaît un peu le genre, nombre de séquences horrifiques flirtent avec l'ennui. Mais pas toutes. Notamment les exorcismes, qui fonctionnent, une séquence nocturne en prison plutôt nerveuse, et un final qui donne des promesses inattendues. En résumé, il est assez inégal question divertissement. A moins d'être un novice dans le genre ou d'être titillé dans ses convictions, le film ne sera pas un grand huit du frisson. Mais il a encore quelques cartouches. Et c'est là qu'on passe à la suite.


Le fond du film touche à l'incapacité de l'homme à se défaire de son péché. Le film s'ouvre sur un exorcisme qui vire au fiasco total, et nous retrouvons le prêtre responsable quelques années plus tard, qui ressasse sa faute sans pouvoir l'expier au vu des responsabilités qui pèsent sur lui envers sa communauté. Et voilà que des bizarreries liées à son passé refont surface et remettent en plein jours ses vieux démons.
Les dilemmes moraux du film sont honnêtes. Ils sont complètement exagérés, mais c'est justement cela qui donne au film un propos religieux réel. Tout a été conçu dans une exagération cohérente qui lie dès lors un prêtre exorciste et un démon sur un combat durant des années, avec une évolution progressive des rapports de force, qui sont autant de confrontations morales. A ce titre, la relation avec un autre père exorciste possédant lui aussi quelques failles apporte là aussi nombre de thématiques. Entre l'exemplarité affichée pour le bien des autres, les tentations nocturnes et autres contradictions, on a ici un essai cohérent sur la faillibilité de l'homme, et certaines prises de positions qui pourront créer polémique. Il convient toutefois de préciser que le film, si il conserve un respect évident pour le sacré religieux, se permet de fonder une sorte de mythologie qui peut finalement se comparer à certaines idées du film Constantine, où la religion prend des airs de bourrinade. Mais cette richesse thématique donne au film un propos qui manque dans ce genre de film. Un côté dramatique totalement sérieux qui redonne au combat entre le prête et le démon (un incarnation même de son péché) une authenticité qui rafraîchit considérablement ses positions religieuses. La plus-value du film est clairement là. Et en développant de façon cohérente ses enjeux, le film parvient à créer une situation inédite dans le film à l'exorcisme :


un exorcisme inversé pratiqué par des démons


Cette innovation, sans trop s'attarder sur la mise en abîme, permet de conserver une idée centrale : la faillibilité, et elle permet au film d'évoluer, en ouvrant à de nouveaux enjeux qui donnent une dynamique au récit. Et cela, c'est bien à la hauteur de Scott Derrickson.


Pour le bilan, c'est mitigé. Un film d'horreur pas très innovent ni très axé sur le suspense, ce n'est pas non plus la joie. Mais les enjeux dramatiques entourant le personnage et les dilemmes en évolution, qui font constamment planer un doute sur la potentielle victoire de l'Eglise (du Bien ?) sont ce qui permet au film de rester à flot. En cela, la sincérité de la mise en scène mexicaine se ressent, et cela nuance l'exploitation sommaire des visions un peu trop démonstratives de ce drame d'exorcisme qui aurait gagné à faire davantage dans la suggestion.

Voracinéphile
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le 22 avr. 2022

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