Devoir de mémoire
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le 3 juin 2021
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J'avais flairé le film qui ne m'intéresserait pas, mais c'est la fin d'année, et je rattrape des films qui ont été bien appréciés par l'entourage. Comme quoi, on est jamais mieux servi que par soi-même !
Alors The Father, ça tombe beaucoup dans le film à Oscars, mais ça s'en démarque un peu par une proposition de mise en scène, ou de dispositif formel devrais-je dire. Et c'est peut-être cette idée d'adopter le point de vue du père défaillant qui a plu à ceux qui remettent les statuettes, et sur ce point, aucune mauvaise foi, ils ont ENFIN jugé un film selon des critères acceptables.
Mais alors pourquoi n'ai-je pas aimé et suis-je plus intelligent que les américains qui récompensent Hopkins me demanderez-vous ? Tout simplement parce que j'attends d'un film (d'une oeuvre d'art) un grand saut dans l'inconnu, qu'un artiste y mette tout son être. Et là, on a une idée qui serait de montrer la vie telle que perçue par une personne atteinte de la maladie d'Alzheimer. C'est génial, ça permettrait même une certaine abstraction et finesse ! Sauf que non, on a un réalisateur qui a besoin d'être accessible pour être rentable ou acclamé j'en sais rien. Et donc ça en fait des caisses : la musique est insupportable, elle surligne 6 fois une séquence émotive au cas où t'aurais pas compris que Anne elle est triste, alors que son regard et ses petits yeux sont 1000 fois plus évocateurs et transperçants.
Après, parlons quand même du dispositif formel : faisons lui deux reproches.
Reproche numéro 1 : il est suffisant. Toutes les scènes qui n'impliquent pas Hopkins sont ridicules et d'une lourdeur à en faire changer la gravité sur Terre. On a des personnages qui parlent et qui auraient mieux fait de monologuer face caméra pour dire au spectateur débile du fond ce qu'il se passe au cas où il se serait endormi les 5 dernières minutes.
Reproche numéro 2 : il est insuffisant. Il serait possible de considérer qu'un film ne devrait être critiqué qu'au regard des critères qu'il susciterait lui-même. Et en ce sens, je qualifierais ce The Father de "film d'usure". C'est-à-dire qu'au bout de 15 minutes de film, lorsque tu comprends la direction qu'engage le film, ce dernier t'impose d'être jugé sur l'usure, celle que ressent le personnage principal, mais aussi le spectateur à subir, impuissant, le sort tragique du protagoniste. Si vous l'avez vu, c'est comme pour le dernier Farhadi, Un Héros, on te montre un mec s'enfoncer toujours plus. Moi ça me pose problème dans la mesure où, une fois que tu as compris, le film te demande de juger son principal défaut comme étant sa plus grande qualité : l'usure. Sauf que moi, une fois que j'ai compris, j'ai besoin qu'on ajoute des ingrédients à la soupe, si non je m'emmerde et je trouve le film redondant et tire-larme. Et là, on s'ennuie trop trop trop vite : on voit le film se dérouler académiquement, on capte les 3/4 sujets devenir récurrent et puis on les attend, et on attend que ça en finisse.
Donc ce poulet qu'on voit servi 50 fois, on aurait aimé que ce soit une soupe de légumes de saison. On a eu droit à un poulet fade mangé par un Hopkins bien senti, qui s'est chauffé à avoir l'Oscar, qui l'a eu, mais qui a oublié de nous surprendre. Et alors cette fin.... Osekour.
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Créée
le 26 juil. 2022
Modifiée
le 29 déc. 2021
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