J’ai été comblée par ce film dont le sujet n’est pas à priori attirant… D’abord il y a Anthony Hopkins, l’un de mes acteurs préférés, absolument magistral ici. Offrir une telle prestation à 82 ans, ce n’est par rien quand on sait quelle fatigue physique et psychique entraîne le travail sur un plateau de tournage. Une chose est sûre, il ne souffre pas d’Alzheimer ! Il porte une bonne partie de ce film sur ces épaules. A ses côtés, Olivia Colman est très juste et touchante dans son jeu.
Ensuite la BO est de Ludovico Einaudi, l’un de mes compositeurs préférés. Sa musique est ici présente avec discrétion, accompagnant, en particulier, les moments ou Anthony perd pied.


The Father nous plonge la majeure partie du temps dans l’esprit d’Anthony, un homme âgé qui perd ses repères, qui ne sait plus ce qui est réel ou non autour de lui. Certaines scènes de terreur ou de détresse sont bouleversantes, ou bien ces moments où il a la conscience de ne plus comprendre. Les éléments de l’histoire tiennent en peu de choses : sa fille, Anne, qui part à Paris ou non ; la situation de sa fille : mariée, divorcée ? sa fille plus jeune vivant à l’étranger ou non ? L’aide des soignants ; l’appartement de sa fille ou le sien ? Très peu d’éléments, parce que c’est autour de ces quelques éléments que gravite et se réduit sa conscience.


Dans un tel état de confusion, de perte de repères, le comportement est instable. Anthony a des accès de paranoïa, des obsessions tout à fait caractéristiques du grand âge : la fameuse montre ! Objet familier, objet qui rassure parce qu’il donne un repère fiable, mais aussi objet sur lequel se cristallise l’angoisse : et si cet objet venait aussi à disparaître comme la mémoire, comme les lieux familiers, comme sa cadette ? Et Laura va-t-elle le quitter aussi, l’abandonner ?


The Father est également une réussite au plan de la réalisation car ce n’était pas gagné. Il s’agit de la transposition au cinéma d’une pièce de théâtre écrite par le réalisateur, Florian Zeller. Pari risqué… Et totalement réussi, de mon point de vue. S’il a choisi de filmer en intérieur ce n’est pas à cause du matériau de base, mais pour signifier et faire ressentir l’enfermement mental d’Anthony. La dernière image prend tout son sens dans ce contexte, image des arbres et du vent, symbole de cette vie et de cette nature à laquelle Anthony n’arrive plus à avoir accès parce que prisonnier à l’intérieur de lui-même.


The Father, un superbe film, profondément humain qui me fait attendre avec impatience la prochaine pièce adaptée pour le cinéma de Florian Zeller : Le Fils avec Hugh Jackman et Laura Dern.

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le 3 févr. 2022

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abscondita

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