Un réalisateur en prison, un postproduction arrêtée, une pluie de césars, une critique unanime, dire que les évènements autour de The Ghost Writer ont été mouvementés relèverait de l'euphémisme, Roman Polanski a dû, à sa façon (difficile on en conviendra), vivre un avant et un après Ghost Writer, ou comment vivre ''professionnellement'' le passage de l'enfer au paradis. Cinq ans, cinq ans que Roman Polanski n'avait rien réalisé depuis l'Oliver Twist qu'il avouera destiné à ses enfants, et huit ans depuis Le Pianiste, son chef d'œuvre, plus proche du style Polaskien qui fît autrefois son succès. Et pour son retour dans le film noir le cinéaste franco-polonais a choisi de s'attaquer au roman « L'Homme de l'ombre » de Robert Harris, qui conte l'histoire d'Adam Lang, ex premier ministre Britannique à la recherche d'un nouveau nègre, l'ancien étant décédé, pour terminer ses mémoires. Au cœur de la tourmente médiatiquo-judiciaire de Lang, le nouveau «ghost» va découvrir la vie et les zones d'ombres qui régissent le passé de son employeur. Peu à peu la curiosité et l'envie d'en savoir plus conduira cet homme de l'ombre à s'aventurer là où il n'aurait jamais dû aller..

En reprenant l'histoire d'Harris, Polanski, aidé par Harris lui même, s'est assuré la préservation de son style et de son usage immédiat, car dans the Ghost Writer on retrouve toutes les manies cinématographiques du maître, mais pas seulement : l'ambiance, la mise en scène, le montage, la musique, rien n'est laissé au hasard et expliquera, avec facilité, le comment du « pourquoi The Ghost Writer est un chef d'œuvre ? ».

Mis a part la signature de mise en scène, Polanski s'est assuré une autre des composantes de son adaptation : le casting, comme toujours il est très soigné et ne bénéficie d'aucunes fausses notes, McGregor en tête. On retrouve donc Kim Cattrall, bien loin de son rôle de Sex and the city, Olivia Williams (Dolhouse), Tom Wilkinson (Rocknrolla), John Bernthal (Walking Dead) et l'immense Pierce Brosnan en intriguant et mystérieux homme politique au passé trouble. Le réalisateur s'échinera donc à créer une ambiance autour du personnage même de Brosnan. A la mesure d'un rôle peu équivoque qui laisse planer le doute permanent sur ses motivations et sa personnalité, l'ambiance, ballotée par l'inquiétante musique d'Alexandre Desplat, se voudra suspicieuse, fortement paranoïaque et légèrement angoissante. Et comme pour mieux nous identifier au personnage de McGregor celui ci ne portera aucun nom, se faisant systématiquement appeler nègre ou autres nominatifs communs, on assiste donc à une véritable mise en abime du spectateur dans la peau de ce rédacteur (et non écrivain comme l'harangue énervé le personnage de Ruth Lang « vous n'êtes même pas un vrai écrivain !», avant de se raviser, gênée), de cet homme qui, comme nous, navigue dans l'inconnu et l'envie d'en dénouer les nœuds scénaristiques.

Au prix d'une introduction assez lente et laborieuse, le temps d'installer intrigue et personnages, The Ghost Writer décollera vraiment au bout d'une bonne demie heure, le temps de voir McGregor s'armer de ses premiers doutes et de ses premières interrogations. Dès lors, tel un polar, le film laissera place à une quasi enquête policière voyant le nègre poursuivre les différentes pistes menées par ses incessantes trouvailles, si bien que l'on guette constamment la moindre révélation, jusqu'au climax final, plan séquence d'une feuille de papier filant à son destinataire, médusé. Au même titre que sa scène finale The Ghost Writer se voit magistralement filmé, l'art du montage et de la mise en scène de Polanski est incroyable, le cinéaste fait mouche constamment, son utilisation de la photographie aussi, entre grisailles, pluies et noirceurs omniprésentes, à l'image de ses personnages, énigmatiques, insondables..

Hormis ses simples aspects de thriller paranoïaque, l'intrigue de The Ghost Writer laisse deviner un arrière fond politique évident, et pas si innocent qu'il n'y paraît. Derrière les pérégrinations d'Adam Lang et de ses démêlées juridiques on déchiffre la critique et la condamnation d'un autre ex premier ministre Britannique (besoin d'un dessin ?), une attaque acide de la politique pro-américaine générale exercée par le gouvernement Britannique, le manichéisme judicieux s'ajoute donc aux faits d'armes de ce 18e Polanski. Tellement à dire et tellement à voir dans The Ghost Writer, Roman Polanski s'est fait attendre et monte l'expectative de ce délai au niveau de son résultat : un puits sans fond de perfections filmiques, bluffant.
Nicolas_Chausso
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le 10 juin 2013

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