Je vous vois venir avec vos fourches hurlant sur l’autel de la créativité votre ras-le-bol des adaptations cinématographiques issues de la littérature jeunesse et je ne peux que m’incliner devant une ferveur me prenant également aux tripes. Et pourtant … A l’origine, The Giver (titre français : Le passeur) est un roman de Lois Lowry publié en 1993 aux États-Unis et en 1994 en France. Précurseur d’un genre ayant donné naissance à des oeuvres littéraires telles que Divergente, Twilight, Le Labyrinthe …, The Giver reste le pilier de cette littérature science-fictionelle et/ou fantastique mettant en scène l’adolescence comme seul remède au mal d’un monde dystopique louvoyant vers le dictatorial.


Dans un futur proche, afin d’éviter toute guerre et autre acte de violence, une nouvelle société fut mise en place. Un société appelée L’Identique où les émotions sont inhibées et les souvenirs de ce que fut le monde d’avant, effacés. Une injection quotidienne en étant la cause, laissant les habitants dépourvus d’émotions et voyant le monde en noir et blanc. Seul The Receiver possède ces souvenirs. Jonas, un adolescent de 16 ans, est désigné pour succéder à l’actuel Receiver, ce dernier devenant The Giver par état de fait. Jonas va dès lors découvrir le monde tel qu’il était, mais surtout tel qu’il est. Son refus de prendre son injection combiné à son apprentissage l’amèneront à s’opposer au pouvoir en place.


Réalisé par Pillip Noyce (Bone Collector, Salt), The Giver a su se doter d’un casting de premier plan : Jeff Bridges, Meryl Streep, Katie Holmes et Brenton Thwaites (Maléfique) rien que ça. Jeff Bridges portant le projet à bout de bras afin de l’adapter au cinéma …Et voici le premier écueil. L’adaptation de ce roman, pourtant précurseur du genre en tant que livre, arrive après la bataille livrée par les Divergente, Twilight, Les mes Vagabondes … Le public en fait une overdose. Je suis en overdose. Mes lèvres s’assèchent, se recouvrent d’une mousse de bons sentiments et de crise d’adolescence … “Je veux un scooter”.


Tout ne semble que clichés dans ce film. L’apocalypse comme fondation d’une nouvelle société plus juste, plus égalitaire contrôlant la population afin de contrecarrer toute velléité à la source. Un adolescent seul rempart face à la perte d’humanité et donc l’ ultime espoir. Un gouvernement prêt à accomplir le pire pour protéger ce qui est. Et cette incohérence est le principal défaut du film à mon humble avis, défaut déjà rencontré dans le film Equilibrium. Certains protagonistes agissent sous l’impulsion de la colère, de la peur ou encore de la jalousie … Dans un monde supposé inhiber les émotions, par le biais d’une injection dont la prise quotidienne est contrôlée, cela ne se peut. La Chef du Haut-Conseil (jouée par Meryl Streep) répond à la peur de voir s’effondrer le système en place. Asher (le meilleur ami de Jonas) ressent de la jalousie … Cependant, l’inhumanité résultant de la perte des émotions connaît quelques fulgurances au cours du film avec pour point d’orgue cette scène dans la maternité … Sans spoiler, sachez que l’inconscience de l’acte perpétré et la propreté qui en émane est si malsaine qu’elle donne toute sa consistance au monde dépeint. Les relations amoureuses sont, quant à elle, abordées discrètement, uniquement par touche. Préservons le peu de cohérence ayant survécu.


Le film se démarque par un véritable travail sur l’esthétisme. Une partie du film est en noir et blanc, symbolisant le contrôle, la perte de perspective d’avenir par le manque de couleur et donc de fantaisie dans la vie d’humains errant sans envie. Tout est propre, tout est lisse. Rien ne dépasse. Un monde parfait façon IKEA sans saveur, sans couleur et donc sans vie parfaitement transposé à l’écran par ce traité noir & blanc et ses ajouts monochromes empruntée à Sin City. La cohérence est de mise. Jonas découvrant le monde une couleur à la fois, le film se colorise de la même manière. Les tons rouges puis verts … pour en définitif voir le monde tel qu’il est vraiment. Une image travaillée aux élans poétiques rattrapant les aléas d’un scénario passé de date.


Et le problème se trouve en ces mots : “passé de date”. Cette adaptation débarque sur nos écrans avec 5 ans de retard si ce n’est plus. La société dictatorialement idyllique. Un jeune héros libérateur de son peuple. La perte des émotions comme levier de contrôle … Tout cela sent le réchauffé. Les œuvres plus récentes ayant allègrement pompé The Giver et ce dernier ne se privant pas pour leur rendre la pareille : Sin City, Matrix ...

Silent_JayFR
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le 14 avr. 2019

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