Sous la houlette du producteur Martin Scorsese, Stephen Frears réalise un somptueux western entre nostalgie et modernité.

Le western est un genre cinématographique mort déjà plusieurs fois et ressuscité autant. Chaque fois qu'un cinéaste s'y attaque, on ne peut s'empêcher de rater cet instant. Kevin Costner avait épaté tout le monde avec son gigantesque « Danse avec les loups ». Sam Raimi et son « Mort ou Vif » rendaient un vibrant et jouissif hommage aux maîtres du western-spaghetti. Bien sûr, parfois, on se retrouve devant d'horribles avatars, comme « Young Guns » ou tout récemment « Wild Wild West ». Et quand il s'agit d'un western, genre américain par excellence, réalisé par un citoyen britannique et que l'on voit le nom d'un des plus grands admirateurs du genre au titre de producteur sur l'affiche, on ne peut qu'être titillé à l'idée de le découvrir.
Dès les premières images de « The Hi-Lo Country », Stephen Frears prend tout le monde à contre-pieds en plaçant son intrigue et ses personnages dans une époque tardive de l'Ouest sauvage. Les cow-boys de son film se déplacent pour la plupart en automobile. Nous sommes dans les années 45-46. « The Hi-Lo Country » conte l'amitié de deux hommes prêts à tout pour la conserver intacte. Même une femme vénéneuse, venue s'intercaler entre eux, n'y peut rien. Il serait idiot de raconter ici la trame du récit, car tout le film procure un plaisir intense, grâce à une écriture limpide qui rappelle les plus grands monuments du genre.
Si l'époque choisie est moderne, Stephen Frears traite son film de manière très classique. Mais ce terme n'est pas péjoratif, car le cinéaste lorgne du côté de la nostalgie en jouant malignement sur l'émotion. On pense au magnifique « Le train sifflera trois fois » de Fred Zinneman. « The Hi-Lo Country » est grave. C'est une tragi-comédie qui plonge des êtres totalement insouciants et honnêtes dans un drame shakespearien. Tous les comédiens sont au diapason et prouvent une fois de plus que Stephen Frears est un très grand directeur d'acteurs. Pénélope Cruz matérialise la bonté tout en simplicité. Patricia Arquette interprète une femme désespérée sous des faux airs de garce fatale, avec une touche de magie. Billy Crudup se fond tellement dans son personnage qu'on a l'impression qu'il est ivre durant tout le film. Enfin, Woody Harrelson parvient encore à surprendre dans un rôle qu'il a pourtant déjà tenu de nombreuses fois.
Tout ici joue sur le genre le plus américain qui soit avec beaucoup de respect et de connaissance. On n'a pas de mal à imaginer que Scorsese et Frears se sont entretenus des jours entiers sur le western et son importance dans le cinéma. Frears confie une nouvelle fois la photographie de son film à son chef opérateur de « The Van ». Ensemble, ils créent toute une ambiance en jouant sur les clichés du western. Tout y est : troupeau de bovins dévalant les collines, ciel orageux au couché de soleil, saloons enfumés, etc. Mais on y croit dur comme fer dès le début et jusqu'à l'ultime nom du générique de fin. Et cela grâce à la musique de Carter Burwell qui, pour sa première collaboration avec Stephen Frears, se permet le luxe de réaliser un astucieux mixage entre ses partitions de « Fargo » des frères Coen et de « Complots » de Richard Donner.
Brillant.
RemyD
8
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le 23 oct. 2010

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RemyD

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