Elle est gentille la bébette

Sur la jaquette, on me vend The Host comme "le meilleur film de monstre depuis Alien", ce qui m'a quelque peu refroidi et a valu au DVD de prendre la poussière pendant quelque temps sur mes étagères. Mais The Host est bien plus que ça et c'est devant un film aussi passionnant que mis en scène de façon magistrale que je me suis retrouvé propulsé, le sourire au lèvre la plupart du temps, la gorge serrée à d'autres. Véritable petite pépite sensorielle qui change de ton en permanence, oscillant entre violence, humour et tristesse, The Host impressionne, à tous les niveaux.


A l'instar de réalisateurs coréens bien connus chez nous, Bong Joon-Ho insuffle à son film une dynamique dans sa réalisation qui semble typique d'une certaine culture de l'image qu'on ne retrouve nulle part ailleurs. Cette caméra si fluide qui parvient sans cesse à se placer au coeur de l'action, aussi furtivement qu'un fauve bondissant sur une proie, ces couleurs qui donnent à l'image une percussion exacerbée, on les retrouve effectivement dans les films de Park Chan-Wook, Na Hong-jin ou encore Kim Jee-woon. Cette aisance à faire de la caméra un acteur à part entière de leurs films est toujours perçue comme une offrande à nos petits yeux en quête d'une quelconque stimulation visuelle. Autant dire qu'avec une oeuvre aussi généreuse que The Host, ils ont été plus que comblés, le temps d'une séance bien énergique. Les séquences se suivent dans un rythme qui ne flanche jamais, les 2 heures du film filent à toute vitesse sans jamais nous laisser sur le bord de la route. On est présent en permanence, impliqué malgré nous dans une chasse au monstre des plus revigorantes.


Si l'on pouvait craindre que le côté film de monstre vienne plomber l'ensemble, en retombant par exemple dans des histories vues et revues, qu'on se rassure, il n'en est rien ici. The Host sait être original dans son traitement et faire de sa bestiole davantage un prétexte à la critique sociale qu'un faux contexte à suspens. Aux oubliettes les scènes de tension où la grosse basse inattendue vous fera faire un bon de 50 centimètres, Bong Joon-Ho préfère utiliser son mutant comme origine d'une analyse qui vise la société coréenne mais pas seulement. Les États Unis sont dans la ligne de mire et en prennent plein la tronche également, pour leur côté protectionniste principalement. Heureusement, c'est fait avec humour et suffisamment de légèreté pour permettre au réalisateur de ne jamais tomber dans une démagogie pompeuse.


Si Bong Joon-Ho s'impose comme un virtuose de l'image, il impressionne également par sa direction d'acteur. Chaque comédien est à sa place et délivre une prestation qui tire le film vers le haut. Même les plus jeunes savent ne pas trop en faire en offrant à leur chef d'orchestre des séquences très touchantes qui ne tombent jamais dans la mièvrerie. On retrouve avec plaisir des acteurs incontournables du paysage cinématographique coréen, comme le génial Song Kang-ho (Joint Security Area, Memories of Murder, Sympathy for mister vengeance) qui, encore une fois, impose à l'écran son magnétisme naturel.


Après l'excellent Memories of murder qui fait partie de mes films fétiches, Bong Joon-Ho ajoute a son palmarès une oeuvre à part et hypnotique, pour laquelle je n'émettrais quasiment aucune réserve, si ce n'est un épilogue peut être inutile. Je sors du film littéralement conquis par un sens du cadre qui fait mouche, mais plus que ça, par l'aisance qu'a le réalisateur à donner vie à sa caméra. Il me tarde de découvrir les deux autres films qu'il a réalisés et je serai, si je le peux, en salle pour son prochain bébé.

oso
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le 15 mars 2014

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oso

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