Avant la projection, James Gray, dont le talent n’est plus à prouver, révèle qu’il considère The Immigrant comme son film le plus personnel et il ajoute en souriant qu’il est peut-être, par conséquent, son moins bon. Malheureusement, la projection lui a donné raison.
The Immigrant n’a rien d’un mauvais film : il est d’abord né d’un projet sincère : celui de rendre hommage aux immigrés de l’époque qui avaient une force de caractère aussi tenace que leur rêve. Ensuite, visuellement, il est magnifique. Mais la réalisation, parfaite, fait vite tomber le film dans un académisme ennuyeux et froid. La magie n’opère pas.
Même si le film est un mélodrame assumé, Gray ne semble pas vouloir en faire un film tire-larmes. Et, effectivement, il réussit à merveille : on est rarement ému et parfois plutôt agacé. Le film ne franchit, certes, jamais la limite du misérabilisme, mais les personnages sont si plaintifs qu’on peine à les plaindre nous-mêmes. Ajoutez à cela un scénario inconsistant dans lequel les rebondissement se déroulent alors qu’on ne les attendait même plus.
Néanmoins, les acteurs se battent (Joaquin Phoenix en tête) pour donner de la substance au film, mais à nouveau ça ne prend pas. Si Gray déclare avoir écrit spécialement ce rôle pour Marion Cotillard, le personnage d’Ewa semble pourtant peu inspiré : une brave fille qui est forcée à vendre son corps pour subvenir aux besoins de sa famille, un personnage vu et revu. Ewa est un non-personnage, entre le symbole et le prétexte, symbole de la déchéance du rêve américain et prétexte pour introduire deux personnages antagonistes, qui d’ailleurs éprouvent une passion assez peu plausible pour la jeune femme. Le film se consacre à ces trois personnages sans pour autant faire d’eux autre chose que des personnages convenus, classiques, quoique très lugubres. Tandis que les seconds rôles manquent pour aborder subtilement des thématiques plus riches.
James Gray rate l’occasion de brosser un portrait singulier de l’immigration. The Immigrant se limite au mélodrame classique, plus par manque d’ambition que d’inspiration.