A la fin des années 60, la question de ce qu’il allait advenir de la jeune génération de Hong Kongais préoccupait les cinéastes. Le choix de traiter d’un tel sujet tenait évidemment à des considérations commerciales (le public du cinéma tendait à se rajeunir) mais également à de véritables inquiétudes des réalisateurs envers les valeurs qui leur étaient inculqués dans une colonie qui venait d’être secoué par les émeutes de 1967 et entamait à peine son boom économique.
Le sujet donna ainsi naissance au Dead End de Chang Cheh ou au Teddy Girls de Patrick Lung. Chor Yuen, alors un des cinéastes les plus jeunes du cinéma cantonais, ne pouvait décemment pas rester insensible au sujet. La même année que ses confrères, il signa donc The Youth (aka The Joys and Sorrows of Youth).


Le film suit une large galerie de personnages dont le point commun est de commencer leurs études à l’université. On trouve le riche Jimmy Wu (Cheung Ching), le vertueux Kiang Chia (Paul Chu), le rusé Hoi Kit (Kenneth Tsang), l’insouciant David (Paul Chun) et le malhonnête King (Stanley Fung) du côté des garçons ; la belle Angel (Tina Ti), la dévote Wang (Nam Hung), la boulote Susan (Lydia Shum) en ce qui concerne les filles. Tout ce petit monde va interagir d’abord de manière légère avant que les événements ne prennent une tournure dramatique…


Pour qui a découvert le cinéma de Hong Kong à travers la période 1980/1990, la vision de The Youth est un régal en ce qu’il permet de voir de nombreux acteurs emblématiques de la période dans leur vingtaine. L’occasion d’apprécier Stanley Fung sans sa moustache, Paul Chun sans sa bedaine ou Paul Chu dans un rôle de jeune premier.


Le métrage en lui-même essaye de combiner deux tendances, un coté moderne à travers une description de la jeunesse proche des modèles Hollywoodiens et un côté traditionnel issu des mélodrames cantonais.
L’aspect moderne prend forme à travers les nombreuses fêtes « a gogo » auxquelles participent les jeunes ou le recours à des duels motorisés pour régler leurs conflits (grosse inspiration de La Fureur de Vivre). Chor Yuen décrit une génération insouciante, cherchant avant tout à s’amuser et à vivre dans le présent. Son incarnation la plus claire, c’est David, un garçon qui a bond fond mais ne voit pas ce qu’il fera dans le futur et préfère donc s’éclater sans se poser de questions. Au risque de fréquenter les mauvaises personnes…
Toute cette débauche de frivolité trouve son contrepoint dans la seconde partie du film. Là, les apparences joyeuses et insouciantes se fissurent. Les riches ne le sont pas vraiment, la fiancée idéale se prostitue, l’ami fidèle est un trafiquant de drogue… Chacun doit prendre ses responsabilités et ceux qui se sont laissé corrompre par l’argent facile en paient le prix fort, hypothéquant définitivement leur futur.


Comparé aux deux œuvres locales précédemment citées, The Youth se rapproche le plus du Teddy Girls de Patrick Lung. On y retrouve la même volonté de donner une leçon aux spectateurs. Mais le film de Chor Yuen est nettement plus brinquebalant que celui de son homologue. La faute à un point de vue moins affirmé, davantage maladroit, que celui de Patrick Lung. Chor Yuen a également recours à de trop grosses ficelles narratives pour convaincre (le viol de la sœur de Jimmy, la mère d’Angel) et peine à s’y retrouver dans la multitude de personnages.


Pas complétement convaincant, The Youth n’en est pas moins un film intéressant pour sa brochette d’acteur, la manière dont il dépeint la jeunesse d’alors et l’observation des thèmes mis en avant par un cinéma cantonais alors en voie d’extinction.

Palplathune
6
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Liste statistique : Années 1960 à 1969 et Les meilleurs films de 1969

Créée

le 3 avr. 2017

Critique lue 190 fois

Palplathune

Écrit par

Critique lue 190 fois

Du même critique

Dune
Palplathune
8

Dune vision à l'autre

Minute introspective : J'ai découvert Dune (le film) ado. Étant sevré aux Star Wars, j'espérais voir un spectacle du même acabit. Évidemment, avec de telles attentes, le visionnage ne fut pas une...

le 18 avr. 2012

99 j'aime

13

Inferno
Palplathune
9

L'enfer du miroir

Dario Argento qualifie lui même Inferno de son film le plus pur. On ne peut que lui donner raison au vu du métrage, un véritable cauchemar éveillé, l'impression sur pellicule des obsessions les plus...

le 3 déc. 2010

56 j'aime

8