J'avais grand hâte de voir le nouveau Lanthimos, ayant énormément aimé son Canine qui m'avait remuée par sa bizarrerie et sa violence. The Lobster franchit un cran de plus dans l'absurde et le loufoque en nous installant dans un monde où le couple est la seule norme autorisée et où les célibataires ont 45 jours pour trouver l'âme-sœur, sinon, ils seront transformés en l'animal de leur choix.


On envoie donc ces individus dans une sorte de camp de redressement - tenu d'une main de fer par une Olivia Colman assez éloignée de son rôle de flic sensible dans Broadchurch - dont le look se situe à mi-chemin (et je rejoins Velvetman pour son rapprochement) entre The Grand Budapest Hotel et l'Overlook Hotel de Shining : un endroit étrange, militaire et déshumanisé dans son organisation, mais esthétiquement flamboyant. Selon une logique millimétrée, s'y tiennent des conférences grotesques (visant à faire témoigner les nouveaux arrivants ou à brosser des saynètes stupides sur les rapports homme/femme) et des bals où les couples sont censés se former. Sans oublier les incontournables parties de chasse visant à faire gagner aux vainqueurs quelques jours de rab.


L'humour complètement fou et farfelu du film est, pour moi, à rapprocher des Monty Python : The Lobster est aussi décalé et dingo que Sacré Graal, quelque part.


Mais, on ne se maque pas comme on veut dans ce monde-là. La condition sine qua non de toute union est de trouver un handicap commun avec son/sa partenaire : un nez qui saigne intempestivement ou une totale insensibilité, par exemple. Bien entendu, tous les moyens sont bons pour éviter de se retrouver en poney ou en homard, et les mensonges et les feintes sont donc à suspecter. Toute infraction aux règles étant sévèrement réprimée (une main dans un toaster en cas de masturbation...).


Là-dedans, on retrouve un Colin Farrell tout perdu, au regard tendre, flanqué de son frère/chien, qui désespère un peu de trouver la partenaire qu'il aimera et lui permettra d'échapper à la sentence finale. Heureusement pour lui, Rachel Weisz ne va pas tarder à faire son apparition. J'ai trouvé ce couple très beau, très émouvant. L'esthétique ne m'a pas particulièrement marquée, hormis quelques jolis plans de forêt et de nature.


Et puis ce casting 5 étoiles...On dira ce qu'on voudra mais je trouve que Léa Seydoux est vraiment convaincante, qu'elle n'est pas que la fille de dont on parle avec une ironie moqueuse. Quant à Rachel Weisz, elle crève l'écran, absorbant la lumière encore et toujours. C'est une nana qui ne peut pas avoir de second rôle, ses films la portant quasiment toujours au premier plan.


Difficile de résumer l'ensemble de ce film prolifique, qui prend un malin plaisir à semer le spectateur, à égarer la compréhension. Malgré ses multiples qualités - qu'on ne saisit qu'à la moitié finalement - j'ai eu du mal à entrer dedans car je trouvais que trop d'absurde tuait l'intérêt et la concentration. J'aime qu'on cherche à m'égarer, mais trop c'est trop, je ne comprenais plus rien, je perdais le fil.


Et puis, avec l'installation de l'histoire dans la société menée par Léa Seydoux, les choses ont pris une tournure à la fois existentielle, métaphysique et politique, que j'ai trouvé très bien vue. La scène dans le trou de terre m'a scotchée, autant que la fin, qui porte vraiment la signature de Lanthimos (il avait déjà utilisé ce procédé de la brusque coupure dans Canine).


Un film à tiroirs, à questionnements et choix multiples, protéiforme dans son contenu autant que dans sa tonalité, qui ne peut pas laisser indifférent : pour cette raison, c'est un grand film.


Qui est surtout, avant tout, une belle réflexion autour de l'amour, du couple et des raisons de nos attachements.

BrunePlatine
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le 5 mars 2016

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