Les films de James Gray ont chez eux une qualité constante, c’est qu’ils sont denses : ils laissent une impression indélébile dans la mémoire du spectateur. Mais il est pourtant bien difficile d’en parler.


James Gray revient quatre ans après The Immigrant pour partager avec les spectateurs son dernier film The Lost City of Z. Bien qu’inspiré de la vie de l’explorateur Perceval Fawcett, colonel de l’armée britannique, le film se veut bien plus qu’une chronique de son époque. L’ambition du réalisateur est de nous embarquer pour un voyage au cœur de l’âme humaine en trois parties. Et plutôt que de s’en tenir à une reconstitution factuelle des évènements, il s’acharne à nous faire ressentir l’ineffable ; il nous propose ainsi une reconstitution émotionnelle, auxquelles participent toutes les pièces de son puzzle cinématographique.


On retrouve une photographie sublime bénéficiant du travail de Darius Khondji qu’on avait déjà vu à l’œuvre sur le Se7en de David Fincher. A travers la gracilité et la lenteur des mouvements de caméra, ses costumes et son maquillage, le film trouve son propre rythme, sa propre respiration comme pour nous faire sentir la moiteur de l’air et révéler la puissance hypnotique de cette jungle étouffante, ce désert vert impitoyable et hostile.


Il nous plonge, par l’intermédiaire de la musique, dans cette période du début du XXe, celle qui n’a pas encore connue les horreurs de la Grande Guerre. La chasse, prétexte pour les nobles à organiser les soirées mondaines loin de l’exécrable peuple, est l’occasion de danser sur une valse de Strauss. Mais à l’approche des rives du monde civilisé, c’est Stravinsky et les harmonies de son Sacre du Printemps qu'on entend lorsque Costin lit à Fawcett le poème de Kipling. Cette œuvre, imaginant le spectacle d’un grand rite sacral païen, prélude à l’entrée dans la jungle amazonienne et signifie par sa présence le retour aux sources de l’Humanité : une humanité moins sophistiquée vivant en harmonie avec la nature. Hormis ces emprunts au classique, le film bénéficie de la partition atmosphérique composée par Christopher Spelman.


Pour renforcer cette ambiance malaisante, James Gray s’amuse à tromper nos attentes à l’image de son excellent casting : il offre à Charlie Hunnam, que l’on n’aurait pas cru capable d’incarner un personnage avec autant de charisme, le rôle de sa carrière ; de la même manière, Robert Pattinson, méconnaissable à sa première apparition, est d’une présence surprenante. Les seconds rôles ne sont pas en reste comme Ian McDiarmid, Angus McFayden, Tom Holland et la très charmante Sienna Miller en épouse délaissée mais compréhensive.


Finalement, The Lost City of Z n’est pas un « film d’aventure ». C’est un film qui nous parle d’illusion, de rêve, de folie, d’obsession. A travers l’histoire de ce colonel, il s’adresse à cette partie de notre âme qui cherche à s’évader, celle-là même qui poussa Percy Fawcett à retourner encore et encore en Amazonie.

Créée

le 27 mars 2017

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Quentin Pilette

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