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Au détour de l’âge d’or hollywoodien

Le ciel immense déployé au-dessus des têtes, les collines parsemés d’herbes se noient dans un jaune crépuscule. À moins que ce ne soit un jaune aurore. La fin est crépuscule, le commencement est aurore. La vie familiale s’achève et l’aventure commence.


Mais c’est aussi un recommencement. Comme si au creux des teintes dorées grattant la texture même de l’image, le fantôme de l’âge d’or du classicisme hollywoodien se mettait à renaître. Comme si le rapport contemporain au temps et à l’espace – tordu, brutalisé, déstructuré – n’était qu’un sinistre crépuscule supplanté par une aurore du passé.


Quand la durée du plan se stabilise, quand l’espace n’est plus l’arrière plan défiguré d’un saut d’axe chaotique et perpétuel, la grammaire du cadre renaît, et les images prennent alors sens : sur un axe le mari et la femme regardent, sur un autre axe, leurs enfants qui jouent au loin, vu à travers une fente dans la verdure qui les placent comme au centre d’un œil. Voilà. Voilà un exemple d’image classique qui prend de l’idée et devient symbole. Le symbole d’un éloignement du père par rapport à ses fils par la séparation du cadre, mais surtout le symbole d’un regard fantasme par le surcadrage, un regard désireux comme celui qu’il porte sur la nature, le fantasme d’avoir une famille heureuse alors qu’il la déchire.


Ce classicisme formel prend possession des expéditions dans la forêt amazonienne, qui deviennent alors le théâtre d’une résurrection des morts. L’aventure devient montage poétique, où les fondus enchaînés font s’embrasser les fleuves, les arbres et les rayons du soleil, où le mouvement d’une goutte d’alcool vidée dans un évier devient celui d’un train lancé à toute allure, comme chez David Lean la minuscule allumette devenait l’immense boule de feu qui recouvre le désert. Les indiens comme force létale spectaculaire et comme civilisation à reconnaître font s’agiter les fantômes de Raoul Walsh et de Delmer Daves.


Mais l’aventure classique n’est qu’un détour et bientôt les fantômes s’estompent. Les jeux de formes et les touches de couleurs ne suffisent plus à recouvrir le fond fragile du film. Il se voudrait être l’histoire d’un homme à la recherche de la gloire, peu à peu fasciné par les indiens d’Amazonie et contraint d’abandonner sa famille ; un récit d’aventure teinté de drame. Pourtant c’est le drame qui avale l’aventure. Et c’est l’aventure qui avale le drame.


Écartelé entre la volonté d’explorer la jungle et de percer à jour les dynamiques familiales, le film échoue deux fois. La corvée du retour au domicile conjugal purge le plaisir de l’aventure et la force de l’aventure expose la fadeur de la famille.

KumaKawai
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le 11 nov. 2024

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