The Mammals of Victoria
The Mammals of Victoria

Court-métrage de Stan Brakhage (1994)

Une fois encore Stan Brakhage réinvente la perception du mouvement dans ce superbe The Mammals of Victoria ; de seconde en seconde le visionneur de l'objet dont il est ici question ressasse en permanence la même interrogation : quoi ou qui provoque la cinétique du programme se déroulant sous nos yeux ? Est-ce la caméra qui se meut devant le réel, ou bien l'inverse ? De forme ébauchée et littéralement perforée The Mammals of Victoria nous entraîne dans une féerie aqueuse et scintillante conjuguant prises de vue concrètes et kaléidoscope de photogrammes picturaux : le résultat tient d'une mise en matière délibérément abstraite et chaotique, désaxant notre regard à fortiori centripète pour mieux créer une forme réellement informe, poursuivant les recherches du cinéaste déjà entamées et poussées jusque dans leurs derniers retranchements dans le magnifique The Text of Light.


L'expérimentation promet quelques-unes des plus belles fulgurances du Cinéma de Brakhage : houle mousseuse, troisième œil défiant les lois de la gravité par-delà des flots logiquement renversés cul par-dessus tête, flashs subtilement épileptiques incorporant une pellicule inlassablement triturée comme d'étonnantes visions rupestres, préhistoriques, uchroniques… La répétition de certains motifs - vagues discrètes, récifs s'émiettant au diapason d'un celluloïd savamment élimé, visions monochromes d'un brouillage ( d'un brouillard ?) généralisé - participe à la trajectoire d'un film n'allant justement vers aucune direction présupposée, entretenant son autonomie à la manière d'un nourrisson vierge de tout élément comparatif…


On pense à la myriade de micro-films en forme d'hapax tournés par Hollis Frampton au regard de The Mammals of Victoria, tant ces bribes silencieuses se proposent comme autant d'éventuelles singularités fugaces et sans rémanence… Réfutant tout point d'ancrage pour mieux nous perdre dans un tourbillon épiphanique et plastiquement ravissant Stan Brakhage poursuit donc en la forme de ce moyen métrage sciemment déconcertant sa magnifique trilogie de l'île de Vancouver. Étonnant.

stebbins
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le 30 sept. 2023

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