"A part les dents en or... J'vais tout bousiller."

Si j'étais un homme réfléchi, voir tout simplement mesuré dans mes actes, j'aurais fort probablement commencé par mettre une note de sept à ce film. Mais on sait maintenant que je ne suis ni très raisonnable, ni très rationnel quand ça vient de Corée.


Nonobstant sa trame narrative au classicisme éculé, il me faut t'entretenir plus avant de cette petite bobine qui arrive avec brio à digérer tous les clichés et classiques du genre.


Oui, tous les clichés.


Si on en faisait une liste des clichés de ce film, je pense qu'elle contiendrait tous les poncifs du film d'action/hard-boiled bien badass à l'américaine.
Typiquement le genre de film testostéroné à mort pour décérébrés du bulbe qui te fait triper au point que ton entourage te retrouve bavant et gloussant bêtement devant ton écran de télé. Ici la violence nerveuse à l'esthétisme racé te prend et ne te lâche plus, mêlée à ces codes sur-exploités te lavant instantanément le cerveau.


Tiens, on va essayer de se faire une petite liste, pour meubler un peu.
Rampage par Miracle of sound.


Top céparti :



  • L'homme est un type avec un passé lourd comme le Potemkine que même Jack Bauer il respecte ça. Traumatisé par ses expériences, en perte de repères dans un monde de brutes, notre héros n'accorde plus trop d'importance à l'existence et vit en reclus. Il peut être alcoolique s'il veut, mais c'est pas obligatoire. De même, l'addiction à la nicotine est un plus en terme de coolitude qui peut servir en cas de plan sur soleil levant ou bien couchant.


  • Le héros vit dans un quartier sordide et/ou est en contact avec des milieux de la nuit. Au milieu de son quotidien morose, il rencontre l'amour/l'amitié/l'espoir. Si c'est un enfant qui symbolise ça, de préférence une petite-fille (avec ou sans casquette), ça marche mieux pour émouvoir le spectateur.


  • On décide de venir emmerder le pauvre ermite à un moment A ou B. Son espoir lui est enlevé. Partant de là, les méchants ont réalisé une énorme erreur dont ils ne mesurent pas encore les conséquences. Notre héros décide de les retrouver et de les buter en les faisant de préférence souffrir abondamment, multipliant tortures et autres scènes de baston parce qu'il est BA-DA-SS.


  • Les méchants sont méchants pour le plaisir d'être méchant. Pas tous très futés, ils n'hésitent pas à employer des méthodes viles, dignes d'eux. Tortures, drogues, trafic d'organes et violences contre mineurs, c'est leur lot quotidien. En plus, ces ordures nagent dans le pognon et les biatchs. Franchement.


  • L'homme sera opposé à un homme de main terrible, presque aussi fort que lui. Du genre ex-para, le type sera un peu mutique et impressionné par les qualités martiales du héros. Il fera tout pour l'affronter.


  • L'homme se prend une balle. Il doit alors l'extraire. Pour ce faire, il emploie - lui-même ou assisté d'un comparse - une bouteille d'alcool fort, non sucré c'est mieux sinon ça s'infecte, et une pince à clamper. Pas d’anesthésie, c'est pour les tapettes.


  • L'homme a un vieil ami, du temps où il était marines/policier/agent-secret. Celui-ci l'héberge le temps qu'il se refasse après un coup dur et aille casser la tronche de tous ces enfants d'salauds. De préférence, l'ami a aussi une armurerie dans sa cave/caravane/voiture et vit un peu en reclus.


  • L'homme se rase les cheveux devant sa glace, tous les abdos de sortie. Parce qu'il est déterminé. Damned !


  • L'homme, après avoir retourné les coudes de dizaines d'hommes de mains, saigné et démembré tout un cartel se retrouvera confronté à un boss, plus fort que les autres, qui protège le big boss, de préférence pleutre et lâche.


  • Lorsque le méchant a un flingue, il ne s'en sert pas, préférant le poser pour lancer un duel à l'arme blanche avec le type qui vient de buter ses quinze sous-fifres. Pourquoi ? Parce que pourquoi pas.



Je vais m'arrêter là, j'en oublie sûrement mais vous aurez saisi l'idée, Lee Jeong-beom, réalisateur de No Tears for the Dead n'est pas allé chercher du côté de l'originalité pour son quatrième long métrage et son second en tant que scénariste.


Ancré dans un style hard-boiled/actionner, The Man from Nowhere parvient à faire de l'ombre à un Léon en s'appropriant avec brio les code du genre, proposant une violence esthétisée qui est devenu la marque de fabrique des films du pays du matin calme, le classicisme du film est magnifié par une photographie léchée, travail sur les ombres remarquable. L'action s'emballe mais reste lisible jusque dans les phases de poursuites caméra à l'épaule. The Man from Nowhere tape fort, particulièrement dans ses combats violents, sauvages et magnifiquement chorégraphiés. Le point d'orgue étant l'affrontement final dans lequel chaque coup de poings, chaque coude brisé, chaque pénétration de lame se ressent. On se sent pénétré par le duel final, champ-contrechamp parfaitement exécuté.


Pour finir on pourrait dire un mot sur les acteurs. Si les gangsters ne sont pas de la trempe d'un Choi Min-Sik - qui aurait été, à n'en pas douter, parfait dans le rôle de Man-seok mais qui tournait J'ai rencontré le Diable la même année - ils n'en restent pas moins très convaincants, entre stupidité et cruauté gratuite, ils font de parfaits antagonistes. Won Bin convainc en ex-agent désabusé, particulièrement efficace dans les scènes d'action. Sa maîtrise du taekwondo n'y est sûrement pas étrangère. Kim Sae-ron, alors enfant, étonne par son sérieux et son talent ( elle tournait l'année précédente son premier long-métrage, A Brand new life ) même si elle n'est pas au niveau d'une Portman.


Et pour tout ça, The Man from Nowhere mérite bien votre attention.

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le 9 août 2015

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Petitbarbu

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