The Neon Demon ou la splendeur illusoire

Nicolas Winding Refn signe, avec The Neon Demon, son oeuvre cinématographique la plus jusqu’au-boutiste esthétiquement. Perdue entre les shootings photo et les défilés, Jesse veut devenir mannequin à Los Angeles malgré son jeune âge : elle n’a que seize ans. Très vite, elle rencontre trois jeunes femmes qui font d’elle un stimulant obsédant : Ruby (Jena Malone) fantasme sur elle, quand Gigi (Bella Heathcote) et Sarah (Abbey Lee Kershaw) en sont jalouses sans l’assumer. Jesse devient peu à peu ce qu’elle n’est pas, un être désincarné sûr de soi et de sa beauté. Dans une séquence quasiment psychédélique, elle se perd dans le temps et dans l’espace, et finit par s’embrasser elle-même via le reflet d’un étrange miroir. Une de ses comparses, quant à elle, brise la glace qui lui renvoie son image.


BEAUTÉ MORTELLE


The Neon Demon se place comme une vision complètement superficielle de la vie. Dans un cadre faussement parfait, arrive la sublimité véritable : Jesse, pure et innocente. Mais il faut aspirer sa vitalité et sa jeunesse pour faire perpétuer la vie et la ville dans le temps. Jesse apparaît littéralement comme une fontaine de jouvence dans laquelle Ruby, Gigi et Sarah finissent par se baigner. S’imprégner de la splendeur pour l’atteindre, un objectif inextinguible pour celles qui y aspirent. Entre pulsions sexuelles et mortelles, le trio d’envieuses devient la représentation moderne d’Eros et Thanatos. Se mélanger au corps de la victime pour diluer et étirer l’éphémère de sa beauté, une certaine idée de la perfection figée et éternelle. Au nom de cette quête transcendantale, les trois femmes s’affranchissent de la morale pour absorber chaque fragment d’impérissable. Entre nécrophilie et nécrophagie, la vie et la mort se côtoient pour créer l’incandescence : Sarah ne se fait remarquer qu’après qu’elle ait ingurgitée Jesse. Dans un dernier élan vers la perfection, elle avale l’oeil que Gigi recrache, ingurgitant par la même occasion l’élément instigateur de son inhumanité : l’oeil, métonymie du jugement esthétique.


LES ANGES PRÉDATEURS


En gérant pervers d’hôtel miteux, Keanu Reeves incarne à la perfection ce catalyseur de la perniciosité. Alors que Jesse cauchemarde à propos de lui, il tente d’entrer dans sa chambre, sans succès. Il se rabat sur celle de la voisine, celle d’une jeune fugueuse de treize ans. Jesse fuit et se retrouve chez Ruby, qui tente elle aussi de la violer. En arrivant au paradis, Jesse révèle sur son chemin les pulsions les plus enfouies. La tentation sexuelle qu’elle engendre chez la plupart de ses rencontres tend à dévoiler les tendances pédophiles de ces dernières. Jesse crée le déséquilibre de la cité des anges, provoquant sa propre perte. N’est-elle pas devenue, elle aussi, prédatrice ? Le léopard qui prend place dans la chambre de Jesse pose alors le dilemme suivant : symbolise-t-il Jesse, ou ses détracteurs ? La jeune et innocente jeune fille s’est sans doute, malgré elle, érigée en destructrice de la perfection illusoire.

Terence1
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le 18 août 2020

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