Comparaison Gastronomique n°2 : le Macaron


Nous consommons tout, même la beauté



Le macaron, ce petit gâteau rond fait à base d'amandes, à longtemps et est toujours un peu relié au luxe. De par son prix tout d'abord mais aussi par son emballage, car le macaron est chose fragile. On les observe dans la vitrine et souvent leur couleurs sont chatoyantes. Même si il peut être pas terrible à l'intérieur, de toute façon l'extérieur nous attire, parfaitement rond, d'une couleur appuyé. Le macaron se décline en plusieurs couleurs selon le goût, c'est pourquoi je l'ai choisi pour vous parler ici, de The Neon Demon : un film qui parle de manière brutale et réaliste du monde de la mode. La mode qui nous présente des mannequins beau à l'intérieur mais souvent moche de l'intérieur, la beauté fragile comme le macaron, et surtout les différentes couleurs de ce film qui sont aussi variées que les macarons.
Penchons nous d'abord sur l'emballage des macarons. La boite est luxueuse : Refn, le réal de Valhalla Rising, Only God Forgives ou encore la trilogie Pusher; Des plans bien découpés ainsi qu'une maitrise virtuose de la photographie.
Parlons des macarons dans l'ensemble avant de nous pencher sur les couleurs : On nous présente ici une histoire aux accents réalistes : la montée en flèche d'une nouvelle mannequin dans l'enfer de Las Vegas. Petit à petit elle bascule de la gentille fille innocente à une femme sûre d'elle qui s'amuse à regarder la concurrence de haut. Il est important de rappeler aussi la fraicheur du macaron ( 16 ans ).
Les macarons sont luisant : il y à ici une esthétique quasi aseptisé, médicale. On notera beaucoup de scènes sont en surexposition avec du blanc, parfois du beige, qui renvoie au teint de la peau.
Avant de parler des couleurs goûtons pour voir si l'intérieur vaut l'extérieur. Le macaron, de par sa petite taille, à été pensé pour se manger en une bouchée et pouvoir varier les plaisirs. Ici nous avons un propos assez poussée sur la beauté et des dialogues parfois vraiment bons, ça commence bien. Pour rester dans une métaphore alimentaire voici une comparaison entre une mannequin dépassée et une qui à encore sa carrière devant elle : " tu préfère la viande fraiche ou avariée ? ". Cette question montre d'une consommation de la beauté, comme de la viande. Mais il dénote aussi un caractère déshumanisant du mannequin : il est produit, avant d'être une personne. Outre mesure le mot viande fait aussi référence à la chair, au caractère sexuée de ce milieu. Ainsi avec ses 16 ans, l'héroïne est de la chair fraiche, plus que fraiche.
Très vite on aperçoit un monde de jugements, de regards, de coups bas ou dans le dos apparaitre avec l'oppression des anciennes face à l'arrivée d'une jeune dans le milieu. Et par extension le propos s'élargit à la société en général : tout le monde juge tout le monde pour tirer son épingle du jeu, pour se démarquer en écrasant les autres.
Le personnage principal, en incarnant le parfait cliché de la beauté féminine ( du moins aux états unis ) : blonde, teint pâle, fine et élancée, fera ressortir et éclater cette intense vérité : la beauté est-elle influencée par notre milieu ?
Ainsi le film nous montre que parfois l'horreur vient du réel, et devient encore plus frappant que celui de l'imaginaire.
Le film met à l'honneur donc le dialogue, la réflexion sur le thème de la beauté et de la mode, et il le fait de façon donc très explicite mais aussi de façon plus implicite, voir symbolique.
C'est la couleurs des macarons qui permettent de suite de reconnaitre leur goût, ainsi c'est la couleur ici qui permet de reconnaitre le message, l'émotion...
Avec tout un panel de possibilités tel que décors, maquillages et costumes, colorimétrie ou bien éclairage le film essaye de nous faire réagir.
Cette couleur est aussi mise en avant par deux autres facteurs : une musique synthwave prenante qui rajoute une certaine tension durant tout le film et une réflexion sur la photographie et le fait que les mannequins deviennent petit à petit objet mis en valeur par des néons, parfois des cadres, ou des flashs épileptiques, renvoyant directement au flash de l'appareil.


Ouverture de la boite et présentation des différents macarons :


-Macaron rouge à la framboise : couleur qui renvoie à la violence, la rivalité, la passion ou même la haine. Ici le macaron rouge est mis en avant, au milieu de la boite. Le macaron rouge est intense, il est en opposition avec le macaron bleu, et est sa continuité, tout en étant son opposé. Tout d'abord sa continuité car après le rouge de la passion, renvoyant au début de l'héroïne ainsi que sa rivalité avec les anciennes du milieu. Il y à une sorte d'égalité entre elle, voire une situation d'infériorité puis elle bascule totalement dans cet univers de violence et de haine, se fait absorber pour qu'au final la couleur bleue prédomine...


-Macaron bleu à la myrtille : un macaron dont la couleur renvoie à la mort, au froid. Ici il est mis en avant, juste à la droite du rouge, comme sa continuité. Normalement le rouge est une couleur plus forte que le bleu, mais ici ce sera l'inverse. Elle est la continuité logique : après s'être plongé dans la haine et la violence, et avoir accepté le milieu de la mode, l'héroïne devient froide, distante et inatteignable, elle se hisse à un niveau tel que personne ne rivalise. Elle devient hautaine, et elle se meurt à petit feu, devenant tout son contraire.
Ce faisant elle permet de donner au film une construction en miroir tant au niveau de l'histoire, du développement psychologique du personnage ou même du traitement de la couleur. Ainsi les autre couleurs qui dérivent à gauche, en partant du rouge, et à droite, en partant du bleu, deviendront des contraires : Du orange contre du violet, du jaune contre du rose...
pour revenir sur le bleu une dernière fois il est important de remarquer l'utilisation de cette couleur à chacune des scènes dans la morgue, rapprochant la couleur de la mort de façon plus explicite. On nous montre la beauté dans la mort, avec le maquillage des cadavres, peut être ici une façon de montrer que ce métier tue l'âme et le corps. Rechercher à tout prix la beauté, n'est-ce pas déjà se tuer un peu ?


-Macaron orange : Le macaron orange, dont le goût est évident, est vite amer, donc il n'y en aura pas beaucoup, et on le mange souvent au début. Cette couleur renvoie ici à l'esprit, la spiritualité tant de l'héroïne que des autres filles, jusqu'à ce que ces dernières l'oppresse et que cet esprit s'effondre pour révéler la dure vérité.


-Macaron Violet : là aussi le goût est assez évident; il est à la violette. Cette couleur représente l'ambition, la domination. En opposition à une petite fille qui arrive dans la mode ( macaron orange ) on à affaire à une jeune femme qui sait ou elle va, et qui fera tout pour parvenir à ses fins, elle prend conscience de ce qu'elle est, de sa beauté et n'hésitera pas à rendre jalouses, à écraser les autres, à dominer le milieu de façon implacable.


-Macaron Jaune : Le macaron jaune, au citron est acide, et on le mange ici en tout premier, pour faire ressortir la douceur, l'amertume ou même le sucré des autres macaron, le citron est un rehausseur de goût. Ici le jaune c'est le début du film : la découverte de la ville, de la jeune fille. Il sera vite éclipsé par le orange.


-Macaron Rose : Là aussi la couleur parle d'elle même, un goût raffiné qui reste pourtant longtemps en bouche, quelque chose que l'on sent de façon discrète durant le film : la chair, le sexe et l'amour. la chair, la peau qui est omniprésente dans le film, pour rappeler le fait que la beauté est fragile on nous montre des blessure, un corps à la morgue. L'amour de soi même est aussi une question abordé ici, et on nous montre qu'il est finalement impossible de réussir dans ce milieu sans s'aimer, parfois même à l'excès. Pour finir le sexe est surtout relié à la mort, au macaron bleu, mais on aura aussi une scène de nue teinté d'un rose lancinant, avec du rouge aussi, couleur très proche, et celle du sang ici, dénotant encore d'un caractère mortifère de l'amour.


-Macaron vert : Le vert, troisième couleur primaire, et ici macaron à la pistache, est surtout une façon de mettre en lumière et d'accorder les deux autres : le bleu et le rouge. Cependant la pistache c'est fade, et ici elle sera plus utilisé discrètement, dans le maquillage essentiellement, mais aussi dans les costumes et la colorimétrie mais jamais dans les décors ou l'éclairage. Le vert sera une couleur insidieuse donc, renvoyant directement à ce qu'elle veut ici représenter : le poison, le dégoût, le rejet. Cette couleur apparait aussi bien au début comme à la fin du film, elle accompagne le propos, montrant de ci de là tout d'abord le poison distillé petit à petit, visant à transformer l'héroïne et à devenir comme celles qui la persécutent, voir pire. Le rejet et le dégoût des autres comme de soi se transmettra surtout par un maquillage appuyé.



  • Macaron Doré : Le macaron doré culmine tout en haut de la boite, seul, et devient ainsi le propos de fond : la gloire, la richesse, motivation première de tout les mannequins, et moteur qui permet de franchir les limites morales ( meurtre, menaces ). Son goût importe peu, un macaron avec des paillettes d'or pur, au fond, tu ne l'achète pas pour son goût mais si je devais lui en donner un ce serait fruit de la passion, un fruit exotique, donc plus cher.


-Macaron Blanc et Beige : Une rangée complète de macaron à gauche, suite logique du jaune. Tout d'abord des macarons beige, à la vanille, un goût dont on se lasse peu, et qu'à peu près tout le monde aime, un classique au final. Ici il représente le maquillage, le teint de peau. On peut voir du beige surtout durant les scènes avec le garçon, des scènes qui nous rappelle que tout ceci n'est qu'un jeu, et que les mannequins vivent dans un monde à part, qu'on les maintient enfermé dans ce dernier et qu'à l'extérieur, tout le monde est beige. Tout le monde est un macaron à la vanille, du moins, nous n'avons pas d'amertume, d'ego sur dimensionné, des envies nécrophiles...


-Macaron Blanc : Noix de coco, faut vraiment aimer ça, et c'est pas le cas de tout le monde. Ce dernier renvoie au calme, à la tranquilité, à l'illumination. Il est utilisé surtout au début du film, avec cette scène ou elle est dans une vaste pièce toute blanche. Tout ce blanc, qui noie l'écran est là pour montrer l'accomplissement personnel, le fait qu'elle ait au final fait ce qu'elle voulait faire. Mais comme d'habitude en remontant les couleurs petit à petit on arrive à un autre bord de la boite.


-Macaron Noir : Réglisse. Un macaron au goût plus qu'intense, qui renvoie lui aussi à une couleur, ou plutôt une absence de couleur qui fait mouche durant le film. à deux reprises le noir est utilisé pour faire ressortir un triangle : tout d'abord bleu puis ensuite rouge et pour finir le noir englobera totalement notre mannequin, comme le blanc du début du film. Cette couleur renvoie à l'obscurité de l'âme, la solitude de cette dernière et pour finir au désespoir à la fin du film.


Nous avons vus donc ici l'importance de la couleur du macaron, mais pourquoi la forme importe-elle aussi beaucoup ? Le macaron aurait pu être carré non ? Mais un carré à des coins, c'est moins beau, moins épuré, moins esthétique. Ainsi les formes géométriques passent aussi des messages très importants. Et dans ce film il est une d'entre elle qui revient souvent.


-Le Triangle comme perfection à atteindre : Le triangle est un symbole de perfection, possédant trois cotés il est la première figure géométrique complexe. De plus le triangle est associé à la Bible, aux illuminatis, à l'œil de dieu etc... Il est souvent relié à quelque chose de puissant, de parfait.
Au début, en toute innocence, un triangle bleu apparait, renvoyant ici à un idéal de beauté pur. Seulement avec la perversion et la contamination due à ce milieu dans lequel elle évolue, le triangle deviendra alors rouge, teinté de sang, de colère et de rancœur, de vengeance.


Pour finir je parlerais aussi de la scène finale du film qui envoie un message assez lourd de sens :


La dernière mannequin, qui souffrait de ne pas être assez regardé disait mange l'oeil de notre héroïne décédée. Ainsi ce simple oeil fait référence au regard des autres, à l'envie d'être aimé, à la perception de soi. On le sait lorsqu'on se rappelle de ce dialogue entre les deux personnages : " qu'est-ce que ça fait de voir le monde à travers tes yeux ? " " c'est magique ".


Cet oeil renvoie à une phrase plus tôt : " la beauté ne fait pas tout, elle est tout ". Elle est ce film, fait pour être beau, la beauté définit beaucoup de choses et malheureusement on est tous victime de ça, plus ou moins directement.


-Conclusion : Nous consommons tout, même la beauté. Et c'est parce que nous la consommons comme un produit qu'elle finit par devenir ce monstre difforme et infâme, cette injustice de tout les instants et au final, ce racisme latent qui ne prend plus en compte les ethnies ou les appartenances religieuses pour frapper le monde entier.
La beauté est invisible mais pourtant bien palpable, elle nous entoure et nous enferme tous.


Ce film est comme les macarons : un emballage de qualité, une explosion de couleur qui prennent du sens une fois en bouche, et une composition qui ne laisse rien au hasard, ça se mange tout seul, on regrette qu'il n'y en ai pas plus, c'est le prix de la qualité.

Spiralis
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le 5 nov. 2018

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