La beauté se trouve au fond de la piscine

Après un accueil mitigé à Cannes, le nouveau film de Nicolas Winding Refn sort dans nos salles. C'est une incursion dans le monde superficiel de la mode, avec une touche horrifique et de nombreuses métaphores. C'est visuellement sublime, mais va se révéler vain et faussement provocateur dans sa dernière demi-heure.


La fulgurante ascension de Jesse (Elle Fanning) est irrésistible, sa beauté va séduire tout les hommes se trouvant sur sa route vers le sommet, voir même les femmes. Mais elle va aussi attiser des jalousies et devenir un objet de désir trop convoité.


Nicolas Winding Refn a trouvé un sujet parfait pour satisfaire son nombril. Le film s'ouvre sur ses initiales NWR comme une marque de luxe et de mode, tel YSL (Yves Saint-Laurent), avant de mettre son nom en grand, pour bien nous signifier que nous sommes dans son film dont il est aussi l'auteur. C'est un réalisateur aimant mettre ses idées en scène avec un indéniable talent visuel. Son esthétisme est sa plus grande qualité, on est subjugué par la plupart de ses plans où les couleurs se succèdent, révélant la beauté et la noirceur des personnages. Chaque plan est un tableau, dont certains marquent la rétine. On est sous le charme de cette caméra capturant le moindre détail, se baladant d'un miroir à un autre, en nous renvoyant le reflet d'une société décadente et superficielle.


Sa critique est violente. Sous la futilité des dialogues, se cache celle de ses personnes, dont le seul centre d'intérêt est la beauté de leurs corps. Dès le premier échange entre Jesse et Ruby (Jena Malone), on a un sentiment de vide face à leurs mots. Comme c'est leur première rencontre, on va être tolérant. Mais ce vide va se confirmer dans la superficialité des propos tenues par Gigi (Bella Heathcote) et Sarah (Abbey Lee) deux femmes blondes sculpturales. Les louves viennent de trouver une brebis égarée dans leur univers où l'apparence est primordiale. La nouvelle venue devient sujet à moqueries, avant que le succès la propulse au-dessus de ses adversaires. La brebis va devenir à son tour une louve, que le combat commence.


La fable est cruelle, à l'image de l'univers de la mode. Le culte de la beauté est à son paroxysme, peu importe le fond tant que la forme satisfait les diktats actuels. C'est la jeunesse qui prime en ce lieu, après vingt ans, vous êtes périmé..... Le corps est devenu un produit avec une date limite de consommation. La recherche de l'éternelle jeunesse, de l'éternité et du bain de jouvence est acharnée. Seules les plus affamées survivent. La petite fille innocente fraîchement arrivée dans la cité des anges, est une proie facile, de la chair fraîche et succulente. La superficialité de L.A. sied à merveille à l'histoire. Hollywood est une machine à cauchemars broyant de nombreuses prétendantes à la célébrité. Roberta Hoffman (Christina Hendricks) lui fera savoir qu'elle n'est qu'une parmi tant d'autres, avant de dégager l'une d'elles avec une violence froide. Les sentiments n'existent pas, c'est où tu rentres dans la norme où alors tu crèves.


Le passage de la brebis à la louve, se joue dans un jeu de miroirs et de lumière troublant. Elle embrasse son reflet et devient aussi narcissique et pervertie que ses concurrentes. C'est aussi le moment où le film glisse lentement dans le néant absolu. Cela bascule dans la nécrophilie et le cannibalisme. On a l'impression d'être dans une version longue du clip de Rihanna "Bitch Better Have My Money". La forme prend définitivement le pas sur le fond. L'excellente musique de Cliff Martinez habille majestueusement les images. C'est beau et envoûtant, on est comme ensorcelé par ses femmes aux courbes sensuelles. Mais son côté gore rend cela grotesque. On dirait du porno chic avec deux corps s'enlaçant longuement sous la douche, où cette interminable séance photo se terminant dans un immense fou rire. Cela gâche un peu le plaisir que nous a procuré cette énième variation sur le thème de la superficialité dans notre société.


L'oeuvre est fascinante et ne laisse pas indifférent. Son final grand guignolesque n'est pas sans rappeler celui de Drive. C'est le style de Nicolas Winding Refn, on aime où pas, peu importe tant sa beauté esthétique est renversante. Dommage qu'il ne nous garde pas sous le charme jusqu'au clap de fin, cela reste son plus grand défaut.

easy2fly
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le 8 juin 2016

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Laurent Doe

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