So you're telling me you made a porno where the plot is the point ?

Il y a des jours comme ça. Des journées caniculaires qui se terminent en soirées moites dans une insupportable fournaise. Des jours comme ça où l'on se dit que tout serait peut-être plus supportable dans un monde ou Shane Black aurait embrassé le succès mérité de son script pour Last Action Hero.
Un monde alternatif où le cinéma d'action serait moins stupide et non plus marrant malgré lui.
Alors du coup, le temps d'un très long soupir, j'ai pris ma dose de Shane Black, j'ai lancé The Nice Guys.


Quel bonheur de mater un film à la fois si cool, et pourtant si con.
La grande réussite repose sur l'alchimie du tandem Crowe - Gosling, qui, remarquablement bien écrit, fonctionne du tonnerre. Comme toujours avec Black, c'est bavard, malin, idiot et souvent très drôle, même si on n'échappe pas à une petite dose d’auto-référence.
Forcément, on parle d'un buddy movie écrit par le maître du buddy movie, mais rien de franchement dérangeant, c'est toujours suffisamment bien employé pour que ça reste de l'ordre du clin d’œil amusant.


Et puisqu'on parle d'amusement, diantre, c'est un vrai festival. On se mange une avalanche de gags reposant la plupart du temps sur la maladresse et la bêtise d'un Ryan Gosling, privé véreux aussi loser qu'opportuniste, qui passe les deux tiers du film à se ridiculiser puis se réhabiliter de manière flamboyante... avant de se ridiculiser encore plus fort en poussant souvent un beau cri suraigu.
Toutes ces pitreries bouffonnes et situations absurdes déclenchent de gros éclats de rire qui parviennent à atténuer grandement le drame d'une histoire une histoire sordide.
Si le drame qui ébranle la cellule familiale semble particulièrement douloureux mais sans jamais alourdir le récit, l'affaire, tout aussi rocambolesque soit-elle, se termine dans un bain de sang d'un cynisme glacial, laissant aux (anti)-héros une victoire de courte durée, ouvrant sur un dénouement plutôt amer.
Malgré tout, chaque personnage va au bout de son arc avec cet accomplissement : Healy trouve enfin sa place et parvient à combler son besoin d'être utile avec cette nouvelle relation, March rompt par enchantement sa propre malédiction gravée au stylo Bic et Holly grandit, tout simplement.
Je vais terminer mon rapide commentaire sur l'écriture en parlant justement un petit peu de Holly, la fille de March. C'est en fait la véritable héroïne et caution morale du duo, tout en restant une enfant proactive et particulièrement bien écrite (on est chez Shane Black, je le rappelle). Pour ne rien gâcher, son interprète (Angourrie Rice) est vraiment très douée et j'ai hâte de voir ce qu'elle fera de sa carrière (apparemment un rôle dans Spider-man Homecoming et le remake des Proies).


Côté réalisation c'est plutôt bien ficelé sur pas mal d'aspects, sans toutefois être extraordinaire : ça manque peut-être d'un peu d'audace.
La composition des plans est toujours plutôt intéressante et permet de suivre en permanence le duo ou trio de personnages, avec un attachement du point sur le personnage actif et l'utilisation des autres, très souvent en premier plan ou arrière plan, toujours pour valoriser le sujet au sein du groupe.
Les gags sont aussi toujours hilarants, avec une certaine science du positionnement de la caméra qui vient accentuer le côté comique et absurde de la scène (la galipette sur la terrasse et la sortie du champ, l'intrusion de March dans une lucarne de la piscine, l'explosion d'encre en arrière plan de l'appartement, la technique du boulet pour épuiser sa victime et j'en passe).
En revanche, la façon de filmer les dialogues champs/contrechamps est ici peut-être un poil trop conventionnelle. On ne se réinvente pas, je reste un indécrottable fan de la méthode Deakins / Coen avec ce positionnement si particulier de la caméra entre les personnages et tout ce que ça permet en terme de mise en valeur du body language et donc en potentiel comique.


Bref, tout ça pour vous le recommander, Black reste un screenwriter extrêmement talentueux et un réalisateur avec de belles choses à nous proposer.
J'espère vraiment qu'on lui donnera les moyens de poursuivre sur sa lancée (Predator) parce que s'il n'avait pas été tricard pendant 10 ans, on aurait sans doute un tout autre standard de comédies-action.

YvesSignal
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le 7 août 2018

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Yves_Signal

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