The Painted Bird n'est pas vraiment le genre de proposition cinématographique à soulever l'enthousiasme de foules en quête de divertissement. "Bon allez, ça vous tente un petit film russe en noir et blanc quasiment muet de presque trois heures sur l'histoire d'un gamin juif pendant la seconde guerre mondiale ?? " - " Vas y chérie fait péter le pop corn, en plus dehors il fait un temps de merde, on va se prendre une bombe russe sur la gueule, j'ai du revendre le gosse pour faire un plein d'essence et acheter des pâtes, on va partir en retraite les pieds devants, ça devrait nous remonter un peu le morale de voir plus malheureux que nous. » . Écrit, réalisé et produit par le russe Vaclav Marhoul et adapté d'un roman faussement autobiographique de Jerzy Kosinski , The Painted Bird est un film dur dont la réputation sulfureuse s'est faite au festival de Venise ou de nombreux spectateurs auraient quittés la salle trop éprouvés par ce qu'ils voyaient sur l'écran. Effectivement le film n'est pas très joyeux et offre un vaste catalogue des horreurs humaines, c'est ce qui fait toute sa force mais paradoxalement aussi sa faiblesse.


Le film raconte donc l'histoire de Joska un gamin juif confié durant la seconde guerre mondiale à sa tante qui vit dans la campagne russe. Après la mort de cette dernière, le gamin se retrouve livré à lui même et il entreprend un long périple émaillé de rencontres pas toujours très heureuses.


La plus belle qualité du film c'est incontestablement sa beauté visuelle qui vient constater avec la noirceur abyssale de ce que le film va nous donner à voir. Un noir et blanc absolument magnifique et très contrasté, une contemplation quasiment mystique de la nature, une caméra qui scrute et sculpte la dureté des visages et des cadres toujours d'une fulgurante beauté, aucuns doutes possible, aussi sombre soit il The Painted Bird est un très, très beau film. Le casting est lui aussi de tout premier ordre et l'on retrouvera au cours de ce long cheminement vers la perte et le piétinement de l'innocence des pointures tels que Harvey Keitel, Udo Kier, Stellan Skarsgard mais aussi Julian Sands, Barry Pepper ou Aleksey Kravchenko l'inoubliable gamin de Requiem Pour Un Massacre. Quant au jeune Petr Kotlar il est assez prodigieux dans le rôle difficile et éprouvant de Joska , traversant tout le film avec la fragilité d'un enfant perdu et la dureté d'un adulte par procuration. On suit donc cet itinéraire d'un enfant vraiment pas gâté en le regardant impuissant se confronter à la dureté d'un monde dans lequel règne pauvreté, frustrations sexuelles, violences, guerre et mort. Malheureusement l’empathie et l'émotion doivent s'imposer naturellement aux spectateurs et non lui être enfoncé au forceps dans les yeux et l'esprit, ce que semble faire un peu Vaclav Marhoul qui à force de rajouter de la noirceur à la noirceur va jusqu'à en perdre de vue l'émotion dans une descente aux enfers par paliers qui devient trop mécanique pour être audible.


Notre garçon va tout de même être vendu à une sorcière, donné à un pédophile, côtoyer un type jaloux qui arrache les yeux de ceux qui regardent sa femme avec une cuillère à soupe, des nazis, des soldats qui ravagent un village par le sang et le feu, une jeune paysanne nymphomane qui couche avec ses chèvres, un type suicidaire, des jeunes filles violées tout en subissant lui même violence, torture et viol. Wahoo !! Au bout d'un moment on a quand même envie de dire stop et l'on s'interroge si la prochaine rencontre ne sera pas celle d'un cannibale syphilitique qui viole des lapins nains qui ont la myxomatose. Alors oui la guerre c'est moche, la vie est rude mais au bout d'un moment l'étalage systématique devient totalement contre productif et l'émotion laisse place à une certaine lassitude et presque du cynisme. Oui, j'aurai adoré que le film me bouscule et me bouleverse comme pouvait le faire Requiem Pour Un Massacre, mais au final il me laisse sans doute sur la pire des sensations pour un tel propos, l'indifférence poli. Le fait que le film soit découpé en chapitres portant les noms des différentes rencontres renforce aussi cet aspect répétitif du style  : "Mais qui il va bien pouvoir rencontrer de plus abject que le précédent ? "


Pour sa beauté graphique le film mérite assurément d'être vu, pour la noirceur de son constat le film mérite assurément d'être entendu mais cette forme de complaisance à s'enfoncer toujours plus loin dans le catalogue des bassesses humaines finit par parasiter le plus important : l'émotion. Dommage !


freddyK
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le 2 févr. 2023

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