Avant que les films de super-héros et les énormes budgets à effets spéciaux deviennent la norme de la production des majors US, les années quatre vingt-dix, après les action héros des années 80,  virent la dominance du « thriller à concept » qu’il soit en huis-clos (les contained thriller) comme Die Hard et ses dérivés (de Passager 57 jusqu’à Phone Game)  ou des déclinaisons du thriller Hitchcockien dans la foulée du Fugitif. C’est à ces genres que Liam Neeson  et le réalisateur espagnol Jaume Collet-Serra  rendent un vibrant hommage pour leur quatrième collaboration après  Sans Identité, Non Stop et le néo-noir Night Run. 
 


Le réalisateur d’origine barcelonaise est l’architecte méconnu de la carrière post-« Taken » de Liam Neeson en tant que star d’action. Alors que les suites du succès de Pierre Morelétaient de vrais purges, les collaborations de Neeson avec Collet-Serra se sont imposées comme des exemples de série B solides old-school. Collet-Serra est un expert du genre, plaçant des personnages auquel on s’identifie dans des scénarios incroyables pour un impact maximum. Neeson incarne ici  Michael MacCauley,  un détective retraité du NYPD devenu agent d’assurance, vivant une paisible vie de banlieusard au coté de son épouse  Karen (Elizabeth McGovern, méconnaissable) et son fils Danny (Dean-Charles Chapman, vu dans Game of Thrones). Les MacCauley ont encore une hypothèque sur leur maison  et Danny doit bientôt entrer en fac, c’est donc un coup dur quand Michael, âgé de 60 ans, est licencié à  cinq ans de la retraite. Ébranlé il est intrigué par la proposition qui lui est faite par une mystérieuse femme  dans le train de banlieue qui le ramène chez lui : Joanna (Vera Farmiga) lui demande de retrouver un passager spécifique dans le train, de lui planter un GPS, pour toucher  100 000 $ sans savoir ce qui pourrait arriver à cette personne. Michael se défile mais finit par chercher et trouver l’acompte de 25 000 $ qui scelle un marché du diable. Même si Joanna a quitté le train, elle garde un œil sur Michael et menace sa famille si il refuse d’obéir à ses ordres. Il doit arpenter les wagons à la recherche d’indices  (le passager qu’il cherche a un ticket percé jusqu’au bout de la ligne) bientôt son téléphone lui est rapidement volé et ses autres tentatives d’alerter les autorités sont rapidement contrecarrées par les conspirateurs.


Comme le Fugitif avant lui The Passenger tire sa force d’un mélange de whodunit et de course contre la montre mélangeant les tropes Hitchcockiens de  L’Inconnu du Nord-Express et d’Une Femme disparaît avec une bonne dose d’action et même un zeste de neo-film catastrophe pour faire bonne mesure. Si Collet-Serraa toujours montré son affection pour les techniques du maître du suspense, ce film est celui ou il fait son coming out Hitchcockien multipliant les références visuelles. Profitant du décor du train de banlieue Collet-Serra se sert dans la boîte à outils de Hitchcock à plusieurs reprises, en commençant par un zoom à la Vertigoau moment où MacCauley se rend compte de la situation dans laquelle il se trouve. Si Liam Neeson a souvent joué ce type de personnage, il n’en reste pas moins excellent, il donne à son personnage un coté désabusé et met tant de conviction que jamais l’acteur irlandais ne semble téléphoner sa performance. Il s’investit physiquement dans des séquences d’action où son personnage, dont on rappelle souvent l’age, reçoit autant de coups qu’il n’en donne. Il est entouré d’un casting très solide. Vera Farmiga, énigmatique et sinistre  apparaît seulement dans quelques scènes, mais marque les esprits, son compagnon de The Conjuring le toujours ambigu Patrick Wilson, incarne un ancien coéquipier qui fini par douter de innocence de son ami à mesure que s’accumule les preuves tandis que Sam Neil apparait en policier douteux. Les passagers parmi lesquels Neeson doit retrouver sa « cible » incarnent  toutes les classes du New York multiethnique du banquier de Wall Street d’origine indienne à l’infirmière latino. On y retrouve même la révélation de Lady Macbeth Florence Pugh.


Le scénario  de Byron Willinger, Philip de Blasi et Ryan Engle  et le montage fiévreux de Nicolas de Toth(Stoker et fils d’André de Thot réalisateur de l’Homme au masque de cire dont le remake fut signé par … Jaume Collet-Serra!) parviennent à maintenir le suspense et l’incertitude réduisant au minimum la pyrotechnie jusqu’à un troisième acte où les fils de la conspiration se délient et le film bascule dans l’action pure (desservi par quelques CGI approximatifs) multipliant les retournements avant de se conclure par un dernier twist certes un peu « too-much » mais satisfaisant car s’inscrivant dans l’esprit feuilletonesque de l’entreprise. Comme dans les autres films de Collet-Serra, l’aspect technique est impeccable, la caméra de Paul Cameron  (Déjà vu, Man on Fire, Collatéral ) passe et repasse dans les voitures comme attaché à une tyrolienne. Une des séquences les plus mémorables du film, un combat filmé en une seule prise, impressionne par sa brutalité et la façon dont elle utilise tous les éléments du train (brise glace , coussins) comme éléments de suspense.


Conclusion : Avec cet excellent thriller qui rappelle les grandes heures des années 90, Jaume Collet-Serra avec son style de showman enthousiaste et sa méticulosité d’horloger dans la construction du suspense s’impose en héritier présomptif d’un Tony Scott et Liam Neeson démontre qu’il n’est pas encore « trop vieux pour ces conneries ».

PatriceSteibel
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le 10 janv. 2018

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