C'était un projet intéressant, ce documentaire sur ce célèbre site qu'est The Pirate Bay et plus particulièrement sur ses trois fondateurs aux noms impossible à retenir : Peter Sunde, Fredrik Neij et Gottfrid Svartholm. Il ouvrait beaucoup de possibilités : une réflexion sur l'Internet libre et/ou sur le copyright mais aurait aussi pu servir afin de présenter le site et le procès à ceux qui ne connaissaient pas. Bref, il y avait moyen de faire quelque chose avec ce documentaire. Le film se lance avec une musique et des couleurs sympathiques, l'horloge indique 13:37, on y croit, ça va être bien.

Et puis on déchante très rapidement. Le film s'ouvre directement sur le procès. Pas de mise en contexte, pas de présentation du site, rien. Vous n'avez pas suivi l'actualité du procès ? Vous n'êtes pas familiers du site ou même des débats autour ? Tant pis pour vous, vous allez être largués pendant toute la durée du film. Utilisant le site depuis un petit moment et ayant suivi en gros le procès (mais de très loin), j'ai compris quelques petites choses et je n'étais pas tout de suite paumé. On avance dans le film, c'est pas grave, après tout ça peut quand même rester intéressant, le procès n'est peut-être que la forme du film. Un "The trial is not about the law, it's about politics." est lancé au détour d'une conférence de presse, on s'attend à une réflexion, ça annonce du bon malgré tout. Eh bien, on va attendre longtemps.

Il était bien précisé que le film suivait la vie des trois fondateurs. On nous a pas menti, en vérité : le documentaire ne parle bien que d'eux, de leur vie et de rien d'autre. Il ne vise aucunement à réfléchir, à faire réfléchir ou même à simplement informer. Ce n'est que 82 minutes de drama autour des trois bonhommes et surtout d'un parti pris loin d'être caché. On va donc suivre le procès - avec des ellipses évidemment, celui-ci ayant duré plusieurs années - à travers les yeux des accusés, caméra au poing. On les suit durant les apparitions à la cour, les réactions aux décisions du jury, les moments durs, leur vie privée... On voit même le mariage d'un des fondateurs ou encore une manifestation anti-racisme auquel un autre se rend, pour vous dire à quel point c'est hors de propos et loin de ce à quoi on pouvait s'attendre. Le film s'attarde à faire du drama, à s'apitoyer sur le sort de nos trois personnages principaux et surtout à appuyer leur avis quel qu'il soit. La justice suédoise est mal foutue ? Les méchants Américains envahissent la Suède ? Le copyright c'est le mal ? Les pirates sont les gentils mais en fait la vie c'est pas tellement un kiwi donc ils perdent des fois ? J'exagère un petit peu, mais j'ai personnellement pris ce film comme un moyen d'attirer la pitié des spectateurs tout en les faisant adhérer à un peu tout ce qui passe dans la tête des créateurs de la baie du pirate (attention je dis pas forcément qu'ils ne pensent que de la merde, je dis juste que leurs points de vue auraient pu être exposés de façon différente).

Si ce documentaire échoue à faire passer un message et à poser les bonnes questions, il aurait quand même pu être un bon divertissement. Après tout, je suis le premier à penser qu'on peut faire un bon film sans un message derrière (même si c'est un peu plus problématique dans le cas d'un documentaire, enfin passons). Mais voilà, si le film semble plutôt joli au début avec son ambiance bleuâtre, on a l'impression de regarder un film en noir, bleu et blanc tant c'est bleu de partout. Je ne sais pas si c'est la Suède qui est tout le temps comme ça, mais on finit par voir le monde en bleu à la fin du film. Il y aurait bien des critiques à faire sur les trois hommes autour desquels le film est réalisé mais, après tout, c'est pas du domaine du film s'ils sont comme ça en réalité (je pense tout particulièrement à celui qui balance tranquillement face à la caméra qu'il est xénophobe et que tout est de la faute des immigrés et que les autres sont des gros connards et blablabla). En revanche, je ne sais pas si c'est juste moi qui suis insensible mais tout le drama et l'apitoiement n'ont pas fonctionné sur moi, si bien que deux des trois m'ont paru insupportables tandis que le dernier m'a paru beaucoup plus sympathique malgré les incessants passages sur sa mère (Peter Sunde il me semble).

Tout n'est certes pas à jeter dans The Pirate Bay : Away From Keyboard. J'ai bien aimé la bande-son du film et, si le bleu m'est sorti par les yeux à la fin du film, je dois dire qu'au début je trouvais ça plutôt joli et esthétiquement réussi. Certains plans sont plutôt beaux aussi, notamment lorsqu'on voit un peu du paysage suédois (miam de la neige) ou alors les plans sur les serveurs hébergeant le site que j'ai trouvé assez classes (même s'il y en a quarante et qu'ils se ressemblent tous). Il y avait quelques scènes sympas aussi, j'ai plutôt bien aimé la répartie des accusés lorsqu'ils étaient questionnés durant le procès, leurs réponses aux grandes entreprises ou encore la scène qui m'est le plus restée dans l'esprit, celle qui clôture le procès et montrent les trois créateurs du site ironisant sur les conclusions du juge (et ce n'est pas seulement parce qu'il y avait des exponentielles et du pi, même si ça aide).

Ces scènes restent néanmoins mineures et bien trop rares, n'apportant au mieux que du divertissement dans un documentaire qui aurait gagné à poser les bonnes questions, à réfléchir, à informer. TPBAFK, comme on peut l'abréger, n'est au final ni un bon documentaire pour toutes les raisons citées au dessus, ni même un bon divertissement : seules quelques scènes parviennent à sortir du lot sans être exceptionnelles, le film paraissant énormément long alors qu'il ne dure que quelques 82 minutes. Une déception pour moi que je ne conseille vraiment pas, à moins que vous soyez déjà un fanatique du site ayant suivi tout changement lors du procès, adhérant aux idées de ses créateurs et les adulant. Même si, au final, un tel fan saura déjà la plupart de ce qui est montré dans le film et s'ennuiera à son tour, ce qui laisse plutôt dubitatif sur le public auquel ce documentaire est destiné.
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le 16 févr. 2013

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le 16 févr. 2013

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