Pirates vs bandits

Alors que le 2ème opus est sorti en 2022 sur Netflix, je me plonge dans le film The Pirates, bobine coréenne lorgnant au premier abord du côté de la saga Pirates des Caraïbes. Mais très rapidement, Lee Suk-Hoon, réalisateur de The Himalayas (2015) ou plus récemment Confidential Assignment 2 (2022), se détache de la saga de Disney pour trouver sa propre identité. Comme j’ai pu le lire ci et là, The Pirates pourrait être le croisement entre Tigre et Dragon et le manga One Piece, le tout à la sauce historique période Joseon. Une description qui lui va plutôt bien, mais surtout un gros succès au box-office local qui, lors du marché du film du Festival de Cannes 2014, a été vendu dans 15 pays dont les États-Unis, le Japon, l’Allemagne, la Belgique ou encore les Pays-Bas. Succès mérité ? Plutôt oui, bien que le film soit loin d’être parfait, le divertissement qui nous est proposé est de bonne tenue, généreux, avec pour mot d’ordre principal d’en donner pour son argent au spectateur en proposant un grand spectacle façon blockbuster américain.

Nous sommes donc ici dans une super production coréenne, certes moins friquée que son homologue de la firme aux grandes oreilles, mais pour un film coréen le budget est très très confortable. L’histoire se situe à l’aube de la dynastie Joseon, et lorsqu’un sceau royal offert par la dynastie chinoise Ming est malencontreusement avalé par une baleine à la suite d’un naufrage, ce sont plusieurs groupes de personnages qui vont convoiter ladite baleine. Bien entendu, chaque groupe aura ses propres raisons d’entreprendre cette action, et chaque groupe a des relations ou des griefs avec au moins un des autres groupes, histoire d’amener quelques péripéties. Quatre groupes de plusieurs personnages donc, du coup, beaucoup de personnages, tous plus ou moins utiles à l’intrigue et donc, gros casting de têtes connues du cinéma coréen. On retrouve pêle-mêle Kim Nam-Gil (Pandora, Memoir of the Murderer), Yu Hae-Jin (Confidential Assignment, The Unjust), Son Ye-Jin (Blood and Ties, The Tower), Lee Kyoung-Young (Monstrum, Steel Rain), Oh Dal-Su (la saga Detective K) ou encore Kim Tae-woo (J.S.A, Saving My Hubby). Tous vont se donner à fond et semblent s’amuser à jouer les pirates et autres bandits de grand chemin. Tous impeccables, ils donnent de leur personne et rendent leurs personnages très vite attachants / détestables. The Pirates a envie d’en donner pour son argent au spectateur, aussi bien dans la comédie avec des scènes bien barrées (le petit bateau tracté à son insu par un requin par exemple) que dans de grosses scènes d’action où des bateaux s’affrontent à grands coups de canon et où les nombreux protagonistes ne vont pas y aller de main morte pour se mettre joyeusement sur la gueule. Malheureusement, le réalisateur était peut-être un peu trop ambitieux et certaines scènes d’action laissent un peu à désirer, aussi bien en termes de montage (certains plans s’enchainent parfois sans trop de cohérence) que de CGI qui viennent parfois un peu gâcher la fête. Ces derniers font parfois grincer un peu les dents, aussi bien dans les nombreux fonds verts que dans les CGI purs et durs. Sur certains plans, on a l’impression que les bateaux flottent un peu de manière surréaliste sur des étendues d’eau superficielles. D’autres effets sont carrément grossiers (la grande roue, le requin, …).

Visuellement, on c’est donc en demi-teinte, avec d’un côté certains plans d’une beauté hallucinante, l’esthétique très léchée du cinéma coréen faisant une fois de plus des merveilles, de l’autre ces CGI parfois approximatifs qui donnent l’impression que les créateurs du film ont eu les yeux plus gros que le ventre. Les scènes d’action souffrent parfois d’une accumulation de ralentis très esthétisés, comme par exemple le tout premier combat sous la pluie. Pourtant, l’ensemble arrive à se tenir car la mise en scène a le sens du spectacle. Ces scènes d’action sont longues, certes parfois un peu répétitives, mais intenses et très funs car malgré tout, cela ne se prend pas au sérieux et c’est la comédie qui prime. L’aspect comédie fonctionne (dans l’ensemble), avec d’un côté les personnages qui sont là pour faire les clowns (celui de Yu Hae-Jin par exemple) et ceux dont la puissance comique va se révéler au fur et à mesure que le film avance (celui de Kim Nam-Gil). Bien qu’on ait l’impression que certaines scènes humoristiques soient là pour rallonger artificiellement la durée du film qui n’en avait pas forcément besoin, les longs monologues de Yu Hae-Jin cherchant à expliquer les dangers de la faune marine à des bandits n’ayant jamais mis les pieds sur un bateau sont assez délicieux. En fait, le film, malgré ses imperfections, fonctionne très bien lorsqu’il reste sur le terrain de la comédie d’aventures, jouant avec les codes des films de pirates d’un côté, et ceux de Robin des Bois de l’autre. Même la romance rigolote n’est pas trop envahissante et la relation entre les personnages de Kim Nam-Gil et Son Ye-Jin est au final plutôt mignonne (bien que pas très poussée). Par contre, lorsque The Pirates lorgne vers le drame (le massacre du village, le harponnage de la maman baleine), cela dénote un peu trop et pourrait rapidement faire sortir du film certains spectateurs. Quoi qu’il en soit, si on prend le film dans son ensemble, il en résulte un mélange assez détonnant qu’il faut regarder pour ce qu’il est, un blockbuster fun qui a envie de faire plaisir au spectateur.

Loin d’être parfait, faisant parfois de grossières erreurs, The Pirates est pourtant un film plutôt attachant, très divertissant, et bien plus fun que les 3/4/5ème opus de la saga Pirates des Caraïbes réunis. Une chouette petite bobine pas prise de tête.

Critique originale avec images et anecdotes : https://www.darksidereviews.com/film-the-pirates-de-lee-suk-hoon-2014/