The Report
6.7
The Report

Film de Scott Z. Burns (2019)

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Magnifiquement filmé en scope, objectifs grand angle qui ouvrent l'espace claustrobunkerisé des sous-sols de la CIA, The Report examine la réaction de la democratie Américaine vengeresse face à la tragédie du World Trade Center. Un gros casting de comédiens célèbres dans les seconds roles (Miachael C Hall de Dexter, Jon Hamm l’immortel Don Draper, Tim Blake Nelson de la nouvelle série Watchmen et Maura Tierney dans tout plein de trucs), l’ensemble mené par le toujours sobre mais subtil Adam Driver en preux démocrate nolife. A souligner surtout la prestation retenue mais pleine de gravitas d'Annette Bening, sa supérieure, qui incarne une sénatrice responsable de l’investigation contre les bureaucrates irresponsables, très justement nominée aux prochain golden globes, ce Rapport s'inscrit dans la noble tradition du film enquête des 70s. Basé sur le travail acharné d'une petite équipe de fonctionnaires solitaires sur la 'Colline' de Washington, le film livre un regard intraitable sur l'histoire récente des USA.

Premier essai reussit à la réal pour le scénariste de The Informant, plus recement du delirant The Landromat, et du next James Bond, produit par Soderbegh. Le cineaste parvient à deplier son récit sur 5 ans, sans ennuyer, malgré la profusion dinformations et les 6 millions de documents du Contre Terrorisme analysées par le déterminé Daniel Jones (A. Driver) , grâce à une excellente maitrise de la temporalité fragmentée des faits, tout en se collant la corvée d'une illustration délicate des methodes de torture inhumaines employées n'importe comment par n'importe qui (en gros). Pratiques absurdes, autorisées dans l'opacité la plus totale par la CIA, dissimulées de de l'executif de Bush delibérément laissé dans l'ignorance, et surtout par deux types inexperimentés qui ont su vendre un délire pseudo-psychologique appellés "enhanced interrogation" à une Agence rongée par la culpabilité de n'avoir pas su déjouer le 11 Septembre, le film dissèque les mécanismes internes d'une démocratie traumatisée qui ne veut pas de ce rapport embarrassant. Dans la guerre contre le terrorisme religieux, ethos et ethique est un champ de bataille gouverné par l'émotion plus que le logos, le cycle de la violence fait loi.

Comme souvent le héros ordinaire triomphe, malgré les agendas politiques et les intimidations des institutions, mais si on echappe pas au cliché du modeste citoyen seul contre tous qui laisse derriere lui le Capitol dans l'anonymat satisfait du devoir accomplit, tout ça fleur quand même bon les morceaux d'ethique stimulants de the West Wing et la modestie d'un cinéaste qui a bien fait ses dévoirs, rigoureux, qui sait faire confiance à son sujet sans forcer le trait dramatique (tel un Oliver Stone tardif par exemple, malgré la reussite de Snowden), sans chercher à nous fourguer de l'empathie lourdingue avec des backstories sentimentales ineptes. Un cinéma documenté mais pas documentaire dans la lignée des réussites récentes de Spotlight ou Margin Call de JC Chandor, qui dénouait les ressorts complexes de la crise de 2008, à qui il emprunte son esthétique minimaliste : façade impénétrable des architectures dont la facade emplit le cadre, la sobriété des mouvements de caméra aux moments decisifs pour donner du poids aux risques que prennent les personnages, parfois juste par un simple coup de fil, lexpression de la pression de lestablisment sur les lanceurs d’alerte courageux isolé dans de grands bureaux sans caractère, vide de l’homme et vide du sens moral...les ingrédients sont maîtrisés pour nous embarquer. Et sans céder aux effets spectaculaires parfois de mauvais goût (sfx du Landromat), ou de la méthode rebattue mais jamais égalée de Aaron Sorkin ( et ses personnages over confiant qui se balancent des combats réthoriques en arpentant les couloirs en speed l’air de rien un sandwich dans le bec façon West wing, ou le duel éprouvant de la première séquence de the socialnet work).
Cette simplicité clinique en laissera quelques uns sur le bord de la route, qui seront peut être plus à l'aise avec la très complementaire mini serie The Looming Tower (portés par Tahar Rahim et Jeff Bridges, excellents), les autres apprécieront un film qui compense son manque de suspens par des faits présentés avec élégance et une effroyable precision. Exemplaire en ces temps d'état d'urgence français.

le_tapissier
8
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le 4 janv. 2020

Modifiée

le 4 janv. 2020

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forêt fantôme

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