"Lorsqu'une association s'est cristallisée en société, elle a cessé d'être une association..."

[Attention Spoilers]
Me questionnant régulièrement sur la légitimité des membres de ce genre de groupe ultra-select, puisque ici comme ailleurs, un point de vue moral, altruiste, s'oppose à la loi du plus fort, je me suis dit que visionner ce film accompagnerait bien mes réflexions. Paradoxalement, s'il m'a offert certains éléments supplémentaires à mes interrogations, et bien que je ne me sois pas ennuyé une seconde, ce film ne m'a pas plu. Même en étant objectif.


Concrètement, on suit l'histoire de Miles Richards (Max Irons) et Alistair Ryle (Sam Claflin) : deux nouveaux étudiants qui débarquent à Oxford. Miles est un jeune homme ordinaire, Alistair est plutôt le genre issu de famille aisée. Dès le début les bases sont posées : Miles est l'archétype du gentil héros pour qui tout va bien, Alistair joue le rôle du jaloux manipulateur. On pose les bases d'un rapport de force déterminant.


Rapidement, on introduit maladroitement, puisque ça me semble sorti de nulle part, le sujet du film : le Riot Club. Excès et dévergondages sont à l'honneur dans ce club séculaire qui rassemble les 10 plus brillants étudiants d'Oxfords. Enfin, les plus brillants, disons, les plus "posh" (comme dirait Lauren (Holliday Grainger), la copine de Miles, rencontrée dès son premier jour à l'école) c'est à dire les plus chics.


Oui, mais : les excès sont des enfantillages et des caprices, les dévergondages, c'est une malheureuse prostituée qui fout un vent magistral à ses chiards de clients et une étudiante qui échappe à 10 gamins en rut. Oh, et juste pour dire, ils font quand même tourner de la coke sortie d'on ne sait où, à un moment, histoire d'être vraiment des méchants. Finalement, je ne vois pas vraiment d'étudiants brillants, mais juste une bande de gamins, qui, entre le copié-coller de Zac Effron des années 2000 et le pseudo-président aux allures ratées de Drago Malefoy, font plus pitié qu'autre chose.


Pourtant, ils auraient pu jouer sur l'aura et son pouvoir de séduction. Quelques éléments égrenés çà et là pouvaient laisser penser qu'on allait assister à de belles scènes de séduction - j'aime ces scènes lorsqu'elles sont bien exécutées : Lauren qui semble distraite par ces 4 ou 5 mecs qui se dessapent autour du babyfoot, Rachel (Jessica Brown Findlay) qui, en plus d'avoir un jeu pas désagréable à mon goût, quoiqu'un peu exagéré par moments, se laisse presque séduire par Harry (Douglas Booth). Mais finalement, rien de tout ça : Lauren reste toujours du bon côté gentil, alors qu'il aurait été intéressant de voir ce que l'aura d'un groupe clinquant peut avoir sur une jeune femme, et Rachel, quant à elle, elle tord carrément le fusil de Tchekhov ! Les avances de Harry n'auront pas abouti du tout. Quel intérêt dans l'histoire ? Aucun.
Bon soit, la grille de lecture misogyne, qui veut que les femmes du film succombent au boys band de richous, ne fonctionne pas ici. Tant mieux finalement, ou tant pis : d'un côté on échappe à la misogynie gratuite, mais d'un autre côté, on oublie de critiquer quelque chose de critiquable. (Puisque le film se veut satirique.)


Autre grille de lecture, évidente, puisqu'elle est au centre même de l'histoire : l'argent. L'argent diabolisé, ses détenteurs érigés en monstres d'égoïsme. Que ceux qui savent le refuser soient canonisés ! C'est bien gentil, mais, trop gentil. Trop manichéen. Et ça ne me donne pas davantage envie de commenter cette grille de lecture, car elle n'offre rien à commenter, justement ! Trop manichéen, c'est le mot.


Donc, déjà pour le moment : on ne va pas au bout des idées, d'une, et puis ces idées, elles sont mal exprimées, retranscrites. Je parlerai quand même un peu de la scène qui m'a, personnellement, vraiment marqué : celle du passage à tabac. J'accuse ma sensibilité, si attachée au bon samaritain, si assoiffée de justice lorsque celle-ci se montre absente. C'est le point culminant du film - qui retombe bien assez vite. C'est le seul moment où j'ai haï les personnages, le seul moment qui pour moi a permis au film de jouer son rôle satirique. Comme quoi il aura fallu ce genre de violence - qui aurait pu aller bien plus loin, d'ailleurs - pour provoquer une réaction, lorsqu'un 12 Hommes en Colère arrive, par la seule force de ses dialogues, à faire réfléchir bien davantage (certes le sujet n'est pas le même, mais la critique est toujours l'objectif).


Au final, tous les personnages sont détestables. Miles aurait presque pu s'en tirer, mais son personnage n'a pas été assez travaillé à mon goût, ni assez mis en avant dans le film. Le sourire final d'Alistair enfonce le clou, alors qu'on pensait la justice rétablie : le grand méchant gagne. En tant que spectateur, je suis tout de même du côté du gentil pigeon mais le sentiment général qui suit le visionnage du film, est un dégoût. Le film ne donne pas un goût pour la justice mais un dégoût pour l'injustice. Soit, c'est une façon de traiter le sujet - je préfère l'autre façon.


On pourrait encore ouvrir sur d'autres axes de réflexion, tels que, déjà, la notion de justice, mais aussi la notion de groupe, et la pression qu'exerce l'entité-groupe sur ses membres. Quelques échos aux associations d'égoïstes louées par Max Stirner, qui condamne le Parti (quel qu'il soit), parce qu'il soumet ses membres. De nombreuses pistes que le film aurait pu emprunter, mais qu'il n'a pas fait. On reste en surface des choses, et pas des bonnes.

Paondule
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le 30 juil. 2017

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