The Room
3.5
The Room

Film de Tommy Wiseau (2003)

Roses are red, violets are blue, you're tearing me apart Lisa !

Quand on parle de films incontournables, des grands classiques qu’il faut à tout prix avoir vu pour savoir ce que c’est que le cinéma et avoir de bonnes références, on parle toujours de films comme Citizen Kane, Le Parrain, 2001 L’Odyssée de l’espace, etc. Et le film dont on va parler aujourd’hui est à mes yeux lui aussi un indispensable absolu (d’ailleurs il est très probable que beaucoup d’entre vous l’aient déjà vu), pour une raison très simple: ce film est un guide parfait de tout ce qu’il ne faut jamais faire au cinéma. Tout.


Le scénario nous invite à suivre le personnage de Johnny qui compte épouser sa petite amie Lisa, qui le trompe avec Mark, le meilleur ami de Johnny. Et c’est tout, le scénario s’arrête là, et tout le reste n’est qu’un enchaînement de scènes toutes plus mythiques les unes que les autres. La quasi-totalité du film se déroule dans la pièce principale d’un duplex, toujours mal filmée, mal éclairée, et mal montée, à tel point que ça en devient prodigieux. Un autre personnage fera de nombreuses apparitions, arrivant en permanence à la façon d’un guest dans un vieille sitcom daubée, et dont l’utilité dans ce film est toujours activement recherchée par les autorités compétentes: Denny. Un jeune garçon recueilli par Johnny et qui aime le regarder quand il nique avec sa fiancée (je n’interprète rien, c’est explicitement dit dans le film).


D’ailleurs, Denny n’est pas le seul personnage à entrer en scène d’une manière aussi surprenante qu’incompréhensible. Je vous ai dit que Mark était le meilleur ami de Johnny ? J’aurais pas dû. Parce que dans le film il faut attendre un bon moment avant de le savoir. En fait, de manière générale, quand un personnage entre en scène, ne vous attendez pas nécessairement à savoir de qui il s’agit. Tommy Wiseau, grand scénariste devant l’Éternel, a visiblement jugé utile d’attendre au moins trois ou quatre apparitions de chaque personnage avant de dévoiler son identité. Vous remarquerez par ailleurs que l’identité de deux personnages en particulier, dont l’arrivée est totalement saugrenue, ne vous sera jamais dévoilée… On sait pas qui c’est, mais ils sont là… C’est tout. Et histoire de spoiler un peu, ils arrivent pour baiser dans le duplex de Johnny et Lisa, qui trouvent ça plutôt amusant…


La réalisation quant à elle est à la hauteur de l’écriture, puisqu’aucun choix de mise en scène n’est fait à quelque moment que ce soit, l’image est parfaitement dégueulasse, et le montage… Comment dire… Bon, tous les raccords sont faux, pour commencer, et les transitions entre les séquences s’avèrent intolérables à n’importe quel spectateur qui se respecte un tout petit peu. Pour reprendre une formule de Karim Debbache, les trois quarts des transitions sont des « plans de rien » qui n’ont absolument rien à foutre ici. Et ces transitions prennent mêmes parfois la forme de scènes entières qui vous tiendront éveillés pendant des mois et des mois avant que vous ne réalisiez simplement qu’elles n’ont aucun putain de sens (Johnny qui passe acheter des fleurs chez une fleuriste qui ne le connaît pas, mais en fait si, on sait pas trop… Johnny qui joue au ballon ovale avec un bon copain… bref…). Et, bien entendu, histoire de fignoler le tableau, vous qui entrez dans ce film, ne cherchez aucun espoir quant à la narration de ce bordel. Entre l’histoire pathétique et les scènes qui ne servent à rien (c’est-à-dire environ plus de la moitié) c’est le foutoir le plus total…


Mais penchons-nous maintenant sur le point le plus exceptionnel du film (comme si ça n’était pas déjà suffisamment exceptionnel jusqu’ici…): le jeu d’acteur… Sainte Marie Mère de Dieu (j’utilise rarement cette expression, mais je pense qu’elle est de mise)… Outre le fait que l’intégralité du casting, sans la moindre exception, soit mauvaise à en crever, on trouve ici quelqu’un qui sort du lot, touché par la grâce divine: Tommy Wiseau himself. J’en profite pour préciser un point que je n’ai pas encore abordé, mais Tommy Wiseau est le réalisateur, scénariste, producteur, et acteur principal de ce chef-d’oeuvre. Et je pense ne prendre aucun risque en m’avançant de la sorte: vous n’avez jamais (non non, « jamais » je vous dis) vu un jeu d’acteur comme le sien. Ça m’en colle la larme à l’oeil rien qu’en y repensant… C’est grâce à des génies comme lui qu’on se rappelle que d’artiste à autiste, il suffit d’une faute de frappe pour que tout parte en couille…


Après tout ça, vous vous dites certainement que The Room est un énorme nanar… Et vous auriez raison, mais j’irais même plus loin. The Room n’est pas un nanar comme les autres. C’est le Genghis Khan, l’Adolf Hitler, la Reine Alien des nanars. Plus qu’un film, The Room est une véritable institution et, comme je le disais plus tôt, un indispensable absolu. Et j’ose dire aujourd’hui sans la moindre retenue que c’est de loin un des films les plus hilarants qu’il m’ait été donné de voir de toute ma vie… Et encore, y'a pas mal de choses dont j'ai pas parlé, comme la musique, d'un mauvais goût qui frise le génie, les scènes de cul où l'on devine aisément Johnny tenter de déflorer le nombril de sa bien-aimée, les dialogues écrits avec les sabots d'un âne cul-de-jatte, le rire démoniaque de Tommy Wiseau qui arrive toujours au mauvais moment... Bref...
Saisissez-vous d'un pack de bières et de quelques potes, et matez ce film. À tout prix. Vraiment. Voilà.
Des bisous.


Et au fait, merci à John Barracuda pour le titre de la critique.

Créée

le 29 janv. 2016

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Tartinovski

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