Manuel des mauvaises pratiques du cinéma, volume I

Mardi, 1h30.
Morphée m'ayant visiblement tourné le dos, je me décide à faire un tour sur Youtube et tombe sur le "Top 10 Worst Movies Of All Time". Là, un des films de la liste attire mon attention : The Room. Je le télécharge donc pour le regarder le lendemain.

Mercredi, 22h
Après avoir passé commande d'une poupoustouflante Hypnotika chez Domino's, je m'installe confortablement dans mon canapé, bien parti pour passer un moment de franche rigolade devant ce qu'on m'a vendu comme étant l'un des pires films de tous les temps. C'était un euphémisme...

Le film s'ouvre sur la meilleure scène : une succession de plans d'une ville, plus ou moins fixes, accompagnés d'une musique tout droit sortie d'un jeu de stratégie PC du début des années 1990 (au hasard, Age Of Empires). Comme je l'ai dit, il s'agissait de la meilleure scène du film.

Bref, avant toute chose, voici le synopsis :
Johnny est un banquier aux cheveux longs et gras qui ne travaille jamais et qui vit en couple avec Lisa Phareàpaupièresetmiseenplis. Cette dernière, après avoir fait l'amour comme une bête avec Johnny, lui annonce qu'elle ne l'aime plus et préfère se tourner vers Badboy "Colgate" Mark, le meilleur ami de son fiancé.
En termes de narration, une fois que vous savez ça, vous savez tout du film. Ça n'ira pas plus loin.

Ce qu'il y a de presque "touchant" dans The Room, c'est que le réalisateur-producteur-scénariste-et-acteur principal Tommy Wiseau semble sincère dans le navet qu'il nous sert, si tant est qu'une huître puisse faire preuve de sincérité. Car ce dernier emprunte au mollusque aussi bien le QI que le charisme. En attestent les dialogues et les situations du film aussi bien que son jeu d'acteur, tous absolument sans queue ni tête.
Un coup on se bat. On crie subitement très fort et le plan d'après on fait la paix, aussi subitement. Et puis en fait non, on se remet sur la gueule pendant que Denny (le quasi fils adoptif du couple) passe dire bonjour puis en fait se ravise et repart. Et puis revient. Et puis repart. Entre temps, la belle-mère, qui semble ne rien avoir à faire de ses journées à part passer voir sa fille l'espace de quelques répliques qui ne font jamais avancer le schmilblick, passe et s'en va elle aussi. Et puis revient. Et puis repart. Mais avant ça, on se fait un petit coup de football américain ensemble en riant très fort.

J'ai sincèrement souffert pour tous les acteurs d'avoir hérité d'un script aussi mauvais. Ce n'est pas à dire qu'il y en ait un seul qui joue bien, loin de là. Mais là, on a atteint un niveau de bêtise et de non-sens jamais égalé. Exemple : Johnny et Mark sont assis à une table. Mark demande à Johnny comment s'est passée sa journée de boulot (ah bon, il bosse des fois?). Johnny lui répond qu'il ne préfère pas en parler, et demande soudainement et très naturellement à Mark "How's your sex life?". Ça n'a l'air de rien dit comme ça, mais il faut voir Tommy Wiseau sortir cette réplique pour comprendre que le mistral et la tramontane ont élu domicile dans son crâne. Autre exemple : Johnny entre chez sa fleuriste, des lunettes de soleil sur le nez et demande une douzaine de roses. Il retire ses lunettes et, oh, miracle, la fleuriste le reconnaît. Elle lui sort les fleurs qu'elle avait déjà préparé pour lui avant même de le savoir (serait-elle télépathe?) pendant que Johnny lui dit "That's me!" bien, bien, bien trop tard pour que ça ait une quelconque cohérence. Si vous voulez voir cela par vous-même (c'est hilarant), tapez "The Room - The Flower Shop Scene" sur Youtube. Et le film regorge de scènes comme ça. A chaque fois que Johnny s'énerve, on n'y croit pas. A chaque fois qu'il rit, on n'y croit pas. A chaque fois qu'il pleure, on n'y croit pas. Et même quand il se tire une balle, ça ne passe pas (haaaan ALERTE SPOILER).

J'aurais énormément de mal à vous recommander ce film. Il n'est même pas au niveau d'un projet de court-métrage de collégien. Mon border collie est bien meilleur acteur que tous ici réunis. Je pense aussi qu'elle est capable d'écrire un scénario bien plus captivant. Non, franchement, il n'y a rien à sauver.
Ah si. On pourrait éventuellement compiler toutes les erreurs (soit approximativement 1h30 sur 1h39 de film, générique inclus) et en faire un Manuel des mauvaises pratiques du cinéma. Et encore...