Marjane Satrapi a finit de parler de l'Iran : pour sa carrière de cinéaste il était temps, car après Persepolis, les spectateurs ont décrochés pendant qu'elle bouclait son cycle. Elle revient avec The Voices, film américain en rupture avec son image dont elle n'est plus scénariste. Le résultat est une comédie noire plutôt excentrique, une espèce de loukoum carnassier, de soap macabre et gentiment exalté. Mary Poppins ou Blanche-Neige chez les Coen pourrait avoir ce genre d'allure. Ryan Reynolds interprète un psychotique en phase de réinsertion dans la société civile. Suivant les conseils de son chat, il a omis de prendre ses médicaments. Son chien est compréhensif et dans l'acceptation, mais Mr Whiskers est vraiment dur et a plutôt tendance à l'encourager à libérer ses pulsions meurtrières.

Traversée psychotique jonchée de quelques cadavres, The Voices est un feel-good movie, un vrai, où on rit et se réjouit. C'est tout le génie de Satrapi et de son équipe d'avoir rendu le spectacle si aimable et entraînant sur la base d'événements extrêmement sinistres. Le passé traumatique et le surgissement sauvage du gore n'agressent même pas le spectateur (sauf le premier meurtre) : il y a une harmonie quasi ininterrompue. Les retours à la réalité pure et dure sont ponctuels et ont quelque chose de conventionnel et aseptisé tirant plus sur le néant que sur l'horreur ou même le drame psychologique. Ces instants soulignent l'incapacité à allez voir la laide réalité telle qu'elle est et à supporter trop longtemps cette solitude morne ; Satrapi et son bon garçon monstrueux optent ensemble pour ce déni.

Une chose presque aussi étonnante dans The Voices est la direction d'acteurs. Le groupe de filles se situe dans un imaginaire entre soap féminin, parfois cru et conte de fées, déraillant méchamment en fin de cycles. Elles sont les meilleures actrices (passives) de ce monde enchanteur, entre merveilleux et spot vivant rose pastel, qui constitue la face radieuse du quotidien de Jerry. Harcelé par toutes ces injonctions contraires, ces voix pressantes, Jerry se réalise dans ce monde hallucinatoire avec lequel il enrobe amoureusement la réalité vraie. La vie peut devenir une espèce de clip pop euphorique et bien réglé, où il a le droit d'être lui-même, avec ses contradictions résolues, puisque tout est possible en toute impunité : quoiqu'il arrive, Jerry reste un gentil garçon. Qui quelquefois commet de petites erreurs de jugement ! Le scénario est assez limité mais le postulat prend une tournure sophistiquée et les 'gimmicks' s'épanouissent à merveille. Une séance glauque joyeuse.

https://zogarok.wordpress.com/2015/03/09/the-voices/
https://zogarok.wordpress.com/tag/cine-2015/

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le 8 mars 2015

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Zogarok

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