Doug Liman est un réalisateur à la carrière assez éclectique. Ayant débuté dans la comédie US, il s'est surtout distingué lorsqu'il à mis en scène la première aventure de Jason Bourne en 2002 avant de se faire une voie dans le divertissement d'action et de science-fiction jusqu'en 2014 avec sa première collaboration avec Tom Cruise pour Edge of Tomorrow. Hormis une petite escapade vers le thriller un peu plus sérieux avec Fair Game en 2010 qui malgré son incursion dans la compétition officielle du Festival Cannes est relativement passé inaperçu, car au final il fut assez moyen, Liman n'a jamais fait son chemin vers un cinéma très exigeant. En 2017, il semble vouloir essayer de changer ça. D'abord avec ce The Wall, thriller de guerre sous forme de huit clos au budget minime avant de revenir en fin d'année avec American Made, un thriller inspiré d'une histoire vraie où il retrouvera Tom Cruise.


Partant d'un postulat qui n'est pas sans rappeler le devenu culte Phone Game, où l'on voit le héros pris au piège par un sniper dans une situation qui semble inextricable, The Wall prend la forme d'un huit clos à ciel ouvert. Le point de repère est un mur au milieu d'une zone peu peuplée d'Irak et toute l'action se déroulera autour de ce mur. Avec son contexte de fin de Guerre irakienne, le scénario devient vite évident dans le dialogue qu'il engage entre le sniper irakien et le soldat américain. Dans ses symboliques, qu'elles soient visuelles ou narratives, le récit ne brille pas par sa subtilité et ce sera le gros défaut d'un film qui veut se croire plus pertinent et grinçant qu'il ne l'est. Les dialogues sont un peu trop soulignées et le combat idéologique à déjà été traité ailleurs avec plus d'ampleur et d'impact. Mais l'aspect plus intimiste arrive néanmoins à investir le spectateur dans ce face à face, même si le traumatisme qui hante le soldat américain est un peu trop forcé et cliché dans son genre, il se montre assez révélateur dans ce qu'il traduit à l'échelle d'un pays. The Wall ne se retient pas pour taper sur la vertu de guerre américaine et sa politique de suprématie qui se rêve en gendarme du monde. Le film vise souvent juste à défaut d'être innovant et ne tombe jamais dans un manichéisme trop prononcé ce qui fait sa saveur. Et surtout il arrive à se clôturer de manière habile, prenant à revers les attentes du spectateur et souligne à merveille l'aspect immuable de la guerre.


Le film étant assez court, il cède donc à un récit minimaliste qui à lui seul ne parvient pas à nous faire nous attacher à ses personnages, et pour ce faire celui-ci se repose en grande partie sur ces acteurs. En l’occurrence, un acteur ici. Car pour ce genre de film, la réussite ou non vient souvent de son casting et Aaron Taylor-Johnson se montre à la hauteur de sa tâche. Il est légèrement soutenu par un bon John Cena, au rôle limité mais convaincant, néanmoins c'est clairement lui qui tient le film sur ses épaules. Après avoir brillé en début d'année dans Nocturnal Animals, il confirme être un excellent acteur. Retransmettant avec justesse et subtilité la souffrance physique et émotionnelle de son personnage tout en donnant corps à sa détresse, il offre une performance fiévreuse et admirable qui lui instaure un charisme que l'on ne lui connaissait pas. Même si il n'a jamais été mauvais acteur, il gagne encore en épaisseur et continue à impressionner son audience. La réalisation se montre aussi très solide. Soutenu par la photographie brute et impeccable de Roman Vasyanov, Doug Liman signe une mise en scène maîtrisée qui malgré le statisme de la situation n'ennuie jamais et arrive souvent à instaurer par petites doses le spectaculaire. Restant relativement classique dans son approche, elle est pour autant de haute tenue.


The Wall est un bon film qui ne révolutionnera ni le huit clos, ni le thriller de guerre et ne porte pas une réflexion plus profonde que d'autres films aux mêmes ambitions. Néanmoins il fait son oeuvre dans son genre. Le suspense est bien mené grâce à une réalisation tendue et impeccable tandis qu'on s'attache facilement au personnage principal grâce à l'excellente performance d'Aaron Taylor-Johnson. Par moments, The Wall sait même sortir des sentiers battus pour surprendre son spectateur et s'impose comme un divertissement de bonne tenue qui arrive aussi à poser certaines réflexions. Mission accomplie pour Doug Liman qui s'essaye à une autre forme de cinéma.

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le 16 juin 2017

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