The Woman
6.4
The Woman

Film de Lucky McKee (2011)

Il fallait que j'écrive sur ce film, un petit quelque chose, pour me vider. Et, avouons le, peut-être pour repousser le moment bien redouté où il faudra éteindre les lumières, se coucher, et...

Un autre but, qui sera aussi un moyen de vider son sac (et pour le coup, sacrément plein!), est de donner son avis, de parler de l'œuvre, et de donner -ou non- envie à d'autres de la voir. Une vocation de partage ou d'avertissement. Mais par ou commencer ? Le cinéma est tellement complet, regroupe un tel nombre de paramètres... Signalons dès à présent pour ceux qui ne connaissent pas mes critiques qu'elles contiennent bien souvent (et celle ci ne fait bien sûr pas exception) des « spoils » plus ou moins lourds.

Peut être par ce qui m'a profondément déplu, pour une expérience aussi forte ? La musique. Aïe aïe aïe, tout les goûts sont dans la nature, mais alors « ça »... La caricature du pop rock insupportable pour adolescent(e)s en pleine rébellion. Et on nous en tartine pas mal, en couches épaisses. Reste en revanche un avantage, c'est qu'elle est souvent judicieusement utilisée, avec des effets de décalages presque comiques qui font penser à l'utilisation Kubrickienne de la musique (le générique de FMJ par exemple).

En fait c'est ce qui caractérise cette boucherie mentale : de très bonnes idées de réalisation, qui fusent, discrètes, jamais trop appuyées, mais toujours bien présentes pour qui est un tant soit peu attentif à ces détails dans les films d'horreurs. Un exemple, très simple, la transition du prologue (sur la femme dans la forêt) avec la première image de la fille de la famille. La rupture visuelle est orchestrée au millimètre pour produire un effet simple, mais déjà choquant, perturbant.

Les effets de sur-impressions sont aussi remarquables. Bien eu peur à un moment que ça vire au lourd (et c'est en effet quelques fois un petit poil trop utilisé, notamment lorsque ça ne figure que des déplacements), mais en règle générale ça reste assez discret, avec à un moment une idée très bonne, lorsqu'il met en sur-impression de façon assez virtuose (me semble t il, en tout cas c'est extrêmement bien fait) le visage de l'horrible gosse sadique et celui de la Femme Sauvage, alors qu'on ne sait pas encore à quel point le gamin est barge, symbolisant un transfert d'identité, ou plutôt un transfert de nature : la Femme Sauvage passe peu à peu du côté de l'éducation, elle s'humanise, quand l'atroce bambin cultive son côté sadique et pervers.

Mais nous parlions du prologue. Alors revenons-y un peu. Assez admirable, extrêmement dur. D'entrée de jeu le ton est donné, à tel point que j'ai tenté de me convaincre durant une bonne partie du film qu'on avait vu le pire, que ça n'allait pas être plus atroce par la suite (grand mal m'en a pris). Le prologue installe une ambiance avec brio, une ambiance d'horreur, d'épouvante même, une ambiance sauvage, ou transpire imperceptiblement tout le sadisme qui va faire suite. Et pourtant, pas d'effets notables, on est pas non plus dans un giallo italien à la Lenzi qui prendra plaisir à nous montrer trois meurtres dans les dix premières minutes. Non, rien que la présentation du personnage central, la Femme Sauvage, encore dans son élément. Et pourtant, parmi les introductions les plus effrayantes qu'il m'ait été donné de voir. D'y repenser je frissonne.

L'épouvante est d'ailleurs gérée ici encore avec une surprenante intelligence. Les effets sont originaux (que c'est rare aujourd'hui!), toujours renouvelés, et le réalisateur trouve l'intelligence de nous surprendre, de nous saisir, par la simple composition de certains plans. Admirables.

Y participe le casting, qui m'a laissé mitigé pendant tout le film, mais qui finalement emporte mon adhésion au vu du rendu. En fait ce que je leur reprocherais, à tout ces personnages, c'est d'être un peu à l'image de la musique. Particulièrement le fils et la fille. Trop bien coiffés, pas un cheveu qui dépasse, on les dirait sortis d'une pub, y'a un manque de réalisme qui blesse un peu. Mais si on a du mal à passer outre, leurs visages, à tout les membres de la famille, ont quelque chose d'extrêmement angoissant. Les amateurs de Shining se réjouiront, la mère apparaît comme un clin d'œil pervers à celle du film de Kubrick : Peu débrouillarde, mollassonne, incapable de prendre des décisions correctes et de s'imposer face à son mari, son ultime coup de gueule lui donne droit à un aller presque simple pour le tapis de la salle à manger. Et cependant, elle est peut être le personnage le plus effrayant, on la sent prête à craquer, à devenir folle à tout moment, elle installe une pression complètement inattendue et saisissante. Le visage du père est aussi dur à encaisser, il paraît gentiment gogo, puis quand il commence à perdre les pédales, il chope des yeux de fous que j'appréhende de revoir ce soir. Le fils ignoble joue bien son rôle aussi.
D'une manière générale cette famille est très bien pensée, peut être un peu trop manichéenne, les gentilles filles et les méchants garçons, mais le tout passe plutôt bien, la perversion du père transmise à son fils, la névrose de la mère à sa fille... Seule le petitoune paraît relativement normale durant le film, bien que l'idée d'aller écouter de la musique avec une humaine sauvage ayant arraché le doigt de mon vieux ne m'aurait pas trop traversé l'esprit. Le tout est joliment ré-équilibré à la fin lorsque la Femme fait y passer la mère, qu'elle n'avait de toute façon pas de raison d'épargner.

Un petit mot sur l'histoire. Il faut bien l'avouer, rien de très novateur la dedans, on est bien dans un scénario classique de film d'horreur : une créature sauvage (ici une femme) faite captive par un personnage plus ou moins fou (ici il bascule), qui va finir par se libérer et se venger de ses tortionnaires. De ce côté ci, rien de très novateur, mais tout les amateurs du genre s'y retrouverons, et apprécierons l'absence de prétention dans le domaine scénaristique, tout en garantissant un niveau des plus corrects. On est pas dans les points positifs du film, pour sûr, mais je dirais pas que ce soit négatif pour autant, d'autant que l'intérêt n'est clairement pas ici, bien qu'il y ai quelques surprises. L'espèce d'ignoble femme-chien de la fin surprend pas mal, bien que l'on puisse s'interroger sur sa pertinence : Elle apparaît vraiment à la toute fin, ou elle prend alors une part qui m'a semblé un poil démesurée à « l'intrigue », bien qu'elle soit esquissée à certains moments.

Reste un dernier point, que j'ai gardé pour la fin.
Enfin, « dernier », c'est vite dit, « dernier » pour moi, car il y a je pense beaucoup à dire sur ce film, qui mériterait une petite analyse, avec beaucoup de séquences remarquables sur de nombreux plans.
Mais je voulais dire un mot au sujet du montage de ce film : à l'image du film, fulgurant de petites idées de génies, bien que la ce soit encore bien plus sensible. Une belle maîtrise du montage, qui donne au film une grande partie de son atmosphère unique, terrifiante, repoussante, et belle toute à la fois. Les exemples sont vraiment légions, je vous laisse tout le soin d'en juger. Amis d'Eisenstein, Vertov, & consorts, réjouissez-vous, voici la preuve que tout le monde n'a pas complètement oublié les fabuleuses leçons des pionniers russes en ce début du XXIième siècle.
Adobtard
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le 11 juin 2012

Modifiée

le 23 sept. 2012

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